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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/158

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soit sous la seule influence des conditions normales, soit sous la direction imprimée par la volonté et l’intelligence de l’homme. Ce que nous avons dit suffit, pensons-nous, pour mettre hors de doute une grande vérité générale, à savoir que, naturel ou artificiel, chacun de ces phénomènes présente dans les deux règnes des caractères identiques et obéit aux mêmes lois. Or il existe entre les ordres de faits embrassés par l’un et par l’autre des différences profondes qu’il ne sera pas inutile de résumer. — Le métissage, c’est-à-dire le croisement de race à race, est partout et toujours facile, quelque différentes que soient les races ; il s’effectue journellement entre individus entièrement livrés à eux-mêmes, et l’homme a souvent plus de peine à l’empêcher qu’à le produire. Sous son influence, la fécondité demeure régulière ; elle est égale et parfois supérieure à celle qui se manifesterait dans l’union de deux, individus de même race. — L’hybridation, c’est-à-dire le croisement d’espèce à espèce, est dans l’immense majorité des cas impossible, alors même que les espèces mises en rapport présentent en apparence les affinités les plus prononcées. Extrêmement rare chez les individus sauvages et libres, elle n’a guère lieu entre individus, domestiques ou captifs, qu’à l’aide de manœuvres, de procédés qui échouent fréquemment. Sous son influence, même dans les cas les plus favorables, la fécondité, à une seule exception près, devient irrégulière et se trouve diminuée dans une proportion souvent énorme. — Tels sont les résultats généraux auxquels conduit l’étude des unions croisées, considérées en elles-mêmes et dans leurs suites immédiates. À eux seuls, ces résultats fourniraient presque les moyens de reconnaître si deux individus différant plus ou moins l’un de F autre appartiennent à deux races d’une même espèce ou bien à deux espèces distinctes. Nous allons voir cette conséquence pratique devenir bien plus évidente par l’examen des produits des croisemens.


II. — DES METIS ET DES HYBRIDES CHEZ LES VEGETAUX ET LES ANIMAUX.

La manière dont les caractères se transmettent au métis ou à l’hybride dans le croisement des races et des espèces, les différences qui distinguent ces deux cas ont été très diversement appréciées par les philosophes aussi bien que par les expérimentateurs. Nous pourrions opposer ici Kant à Maupertuis et à Burdach, M. Godron à Girou de Buzareingnes[1]. La doctrine de Kant conduit à regarder les hybrides comme devant être nécessairement moyens entre les deux espèces ; celle de Maupertuis présente ce caractère comme devant

  1. On doit à M. Isidore Geoffroy d’avoir rappelé l’attention des naturalistes et des anthropologistes sur le travail où Kant a exprimé ses idées sur cette question. — M. Prosper Lucas a discuté l’opinion de Maupertuis.