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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/707

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tats sont assez satisfaisans, assez appréciés, pour qu’un mouvement rétrograde ne soit plus possible. À la place de l’ancien régime administratif, qui, sans couleur de direction et de protection, semait le champ de l’industrie de privilèges pour les uns, d’entraves pour les autres, s’est introduit avec l’évidence du succès un principe dont la tendance est de rendre à chacun le libre essor de ses aptitudes, la pleine propriété de son énergie industrielle : c’est là un fait tout nouveau, et j’oserai dire une révolution qui fera date dans l’histoire de l’humanité, car il n’est pas plus possible aux autres peuples de se refuser à la rénovation de leur système économique que de repousser l’usage des machines et des moteurs perfectionnés. De cet unisson économique, dont la génération actuelle verra, selon toute probabilité, l’établissement, résulteront des changemens d’une telle importance dans le régime intérieur des sociétés comme dans les relations de pays à pays, qu’il faut réserver ces gros problèmes pour des études spéciales. J’insisterai seulement aujourd’hui sur quelques points.

Les faits ont suffisamment justifié, ce me semble, ce qui a été dit plus haut, que la réforme anglaise ne procède pas d’un système nettement arrêté dès le point de départ. L’excès du péril est devenu, comme il arrive souvent en politique, le salut de la société anglaise. Menacés par la misère des classes industrielles et à bout d’expédiens, les continuateurs de Pitt accueillent l’idée d’une enquête : ce sera non pas une audience où chaque privilégié vient plaider pour l’abus dont il profite, mais une analyse approfondie du régime dont on se trouve mal. Cette investigation excite dans le public une curiosité sérieuse. À l’enquête officielle succède pendant des années une série d’études particulières. L’évidence de certaines idées forme une école, et l’école, après vingt ans, se trouve être un parti politique, un parti assez fort pour changer le vieux ressort du gouvernement en brisant le monopole des propriétaires du sol. À chaque changement, il y a soulagement parmi les pauvres, sécurité plus grande parmi les riches. Bref, on peut dire de la réforme économique qu’elle est une œuvre collective, commencée en tâtonnant, presque au hasard, par un petit groupe de citoyens, mais qui, pendant quarante ans d’une merveilleuse persévérance, a vu augmenter le nombre de ses collaborateurs à tel point que le peuple anglais s’y est associé tout entier. Pour lui, le principe qui s’est dégagé à la longue, celui de la plus grande liberté possible dans les transactions de toute espèce, intérieures et extérieures, tend à devenir comme un article de foi politique.

Voici une phrase que je lis dans un livre publié récemment à Londres pour expliquer le mécanisme des institutions anglaises : « Avant