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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/963

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comme association plus compacte et plus forte, ils ont acquis une prépondérance politique que leur décadence actuelle n’a pu faire oublier. Le lieu qu’ils habitent aujourd’hui, la grande et la petite Kabarda, est la contrée ondulée et fertile qui des Montagnes-Noires, premier gradin du Caucase, s’étend dans les bassins inférieurs de la Malka et de la Soundja, vers le Térek. La grande Kabarda est en majeure partie montagneuse et a une superficie de 5,640 verstes ; la petite Kabarda, traversée par deux chaînes de montagnes, dont l’une la divise en deux parties égales, celle du nord et celle du sud, et l’autre marque sa limite méridionale, comprend 2,050 verstes carrées. Les montagnes sont couvertes de forêts qui ont pour essence principale le platane, mais qui renferment aussi des ormes, des hêtres, des tilleuls et des chênes. Les localités basses de la zone forestière abondent en arbres fruitiers, principalement en pommiers et en poiriers. Le reste du pays est un immense champ de labour, de prairies et de pâturages[1].

On a cherché la patrie primitive des Kabardiens et l’étymologie de leur nom chez les Kabari, riverains de la mer d’Azof, et qui, suivant Constantin Porphyrogénète, étaient d’origine khazare. À la suite de dissensions intestines et d’une guerre civile, une partie émigra vers le Volga, parmi les Turks-Patzinaces. Appelés par l’empereur Léon le Philosophe à son aide contre Syméon, roi des Boulgares, ils contraignirent celui-ci à se renfermer dans la ville de Mundraga, non loin de Dorostolum (Silistrie), après quoi ils retournèrent chez eux. D’après une antique tradition locale, une de leurs tribus quitta la Kabarda dans le XIIIe siècle, et du Kouban se porta sur les bords du Don ; mais, rétrogradant bientôt après, elle fit halte sur la côte méridionale de la Crimée, entre les rivières Katcha et Belbek. Sur la carte de la Méditerranée et de la Mer-Noire, dressée par Freduce d’Ancône, en 1497, et qui est conservée à la bibliothèque de Wolfenbüttel, on lit le nom des Kabardi, écrit en lettres rouges, un peu à l’ouest de Taganrok, dans la position que leur assigne Constantin Porphyrogénète. Après un intervalle de cent ans, ils passèrent dans l’île que forment les deux bras du Kouban à son embouchure. Devenus nombreux et puissans, ils franchirent cette rivière sous la conduite de leur chef, Inal-Tékin, et allèrent terminer leurs pérégrinations dans la Kabarda actuelle. Cet Inal est la tige des princes kabardiens ; mais au-delà du XVIe siècle leur généalogie ne présente que désordre et incertitude. Peu à peu ils soumirent les Tartares des environs : Malkhars, Ourouspiens et Karatchaï, puis les Dighors, tribu ossète, et

  1. Description de la Kabarda, par M. le prince T. Baratof, dans le Caucase, journal de Tiflis, octobre 1860, article traduit dans le Journal français de Saint-Pétersbourg.