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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/951

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fond à cent fathoms[1]. Il gèle durant l’hiver à une grande profondeur et n’a guère d’autre poisson alors que la truite. Le canal Alberni roule ses eaux profondes et libres de toute entrave entre deux rangées de montagnes hautes de quinze à dix-huit cents pieds, bordées et surmontées de pins de la plus grande espèce. Dans les étroits espaces que les arbres laissent libres, une végétation exubérante de fougères couvre le sol. Les castors et les loutres sont très nombreux dans les cours d’eau ; on rencontre assez souvent des ours noirs, quelquefois des ours gris ; les daims errent en troupes, et les coqs de bruyère fournissent aux chasseurs une proie inépuisable. Les Indiens sont dispersés dans des villages rares et médiocrement peuplés. On dit qu’il faut se défier de ceux qui habitent les côtes ; mais dans l’intérieur ils firent aux explorateurs un accueil bienveillant, échangeant avec joie les riches fourrures que la chasse leur procure contre des couvertures et quelques objets de l’industrie européenne. À la baie Friendly, les Nootkas célébrèrent par une grande danse la visite que leur faisaient les hommes blancs. Quelquefois, et pour des causes futiles, ces malheureux se font entre eux des guerres d’extermination.

Victoria de Vancouver a été jusqu’en 1858 le chef-lieu de toute la côte ; mais quand la Colombie anglaise fut devenue colonie de la couronne, on songea à lui donner une capitale séparée et à fonder un établissement important vers l’embouchure du Frazer. Déjà existait une ville à l’entrée du delta de ce fleuve, New-Westminster ; mais la situation en a été reconnue très désavantageuse : elle est enveloppée de marécages et de forêts qui en rendent le séjour malsain, et d’où s’élèvent en été des myriades de moustiques. De plus elle est d’un accès difficile aux bâtimens venant du Pacifique et du détroit de Puget, situé entre le territoire de Washington et le continent. Il fallut donc se reporter vers un autre point. À la suite de divers tâtonnemens, on s’était arrêté à un fort anciennement bâti par la compagnie de la baie d’Hudson, old fort Langley, sur la rive gauche du Frazer, à quelques lieues au-dessus de New-Westminster. Les incommodités qui ont condamné cette dernière ville n’existaient plus ici : la situation est élevée, bien aérée, à proximité de terres défrichées et ouvertes à la colonisation. Un chemin la relie, par-delà la ligne de séparation tracée entre les deux Colombies, à Whatcome et à d’autres villes américaines ; la rivière est libre d’embarras et fournit aux bâtimens un assez fort tirant d’eau.

On se mit sans retard à l’œuvre ; trois mille lots furent assignés, et en deux jours seulement le prix de trois cent quarante-deux d’entre

  1. Le fathom vaut 0,m 829.