Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous étions des états souverains. Et tels étaient les fruits de cette confédération et de cette souveraineté ! Ce fut, jusqu’au jour présent, l’heure la plus sombre de notre histoire. » La constitution des États-Unis mit fin à cette situation ; elle marque le triomphe du parti dit fédéral ou national sur le parti qui dès lors luttait pour donner la plus grande extension possible aux droits des états. Qu’on écoute, sur ce point, le témoignage des contemporains. La convention assemblée pour préparer la constitution s’exprime ainsi en en recommandant l’adoption au peuple : « Dans toutes nos délibérations, nous avons constamment gardé en vue ce qui nous semblait être le plus grand intérêt de tout véritable Américain, la consolidation de notre union, à laquelle se lient notre prospérité, notre sécurité, peut-être notre existence nationale. » Que dit Henry, l’un des adversaires du projet ? « Que le gouvernement soit un gouvernement consolidé, cela est parfaitement évident. La constitution dit : « Nous, le peuple, » au lieu de : « Nous, les états. » Ce doit être le gouvernement consolidé, national, du peuple de tous les états. » La cour suprême, l’autorité constitutionnelle par excellence, tient un langage bien plus net encore ; le nouveau gouvernement établi, la cour s’exprime ainsi : « Il a été dit que les états étaient souverains, étaient complètement indépendans, et étaient réunis les uns aux autres par une ligue. Cela est vrai ; mais quand ces souverainetés alliées ont converti leur ligue en un gouvernement, quand elles ont converti leur congrès d’ambassadeurs en une législature chargée de promulguer les lois, le caractère sous lequel les états nous apparaissent a subi un changement. »

La forme politique que se sont donnée les États-Unis ne consiste pas dans la superposition d’une souveraineté à d’autres souverainetés ; il n’est jamais question dans la constitution de la souveraineté des états ; cette constitution est la charte d’un grand peuple. « Nous le peuple des États-Unis, pour assurer une union plus parfaite et pour assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous ordonnons et établissons cette constitution. » Les états ne conservent en fait aucun des attributs ordinaires de la souveraineté ; ils ne peuvent ni battre monnaie, ni émettre des billets de banque, ni maintenir une armée et une marine, ni donner des lettres de marque, ni faire des traités avec des gouvernemens étrangers, ni entretenir avec eux des rapports diplomatiques, ni conférer des titres de noblesse. Ce qui jusqu’à présent a le plus frappé les Européens dans l’ordre politique des États-Unis, c’est le degré de self government pratiqué dans les affaires particulières des états, l’absence de toutes ces entraves qui, dans les anciens états monarchiques, gênent l’action individuelle et la liberté des associations, quels qu’en soient la nature et l’objet. Nous aurions tort cependant d’imaginer que les