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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/163

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et n’a pas été sans influence sur les premiers échecs de l’armée fédérale ; mais ni M. Seward ni M. Lincoln ne pourront empêcher que le problème de l’esclavage ne se pose bientôt dans son effrayante simplicité devant le peuple arbitre et souverain. On s’est tiré des premières difficultés par des subtilités constitutionnelles, le général Butler a assimilé les noirs fugitifs à la contrebande de guerre ; mais déjà le congrès a décidé que tous les maîtres qui se serviront de leurs esclaves, ou qui permettront qu’on s’en serve, dans l’intérêt de la rébellion, cesseront d’être autorisés à faire valoir devant les cours des États-Unis leurs droits de possession sur ces esclaves.

Dans tous les états qui ne sont pas entièrement soumis à l’Union, la loi des esclaves fugitifs est en fait abrogée. Tous les fugitifs, qu’ils viennent de maîtres demeurés fidèles ou de maîtres rebelles, sont reçus et employés par les autorités fédérales. Ils sont désormais assurés de leur liberté, et le gouvernement se réserve seulement de donner à la fin de la guerre une compensation aux maîtres restés loyaux. Le général Frémont ne s’est pas contenté de donner la liberté aux noirs fugitifs ; il a, par une proclamation du 31 août, proclamé libres tous les esclaves des rebelles, qu’ils fussent en fuite ou encore dans les fers. Il est vrai que, sur l’invitation du président, il a dû revenir sur les termes de sa proclamation et rentrer dans les limites de l’acte de confiscation voté par le congrès ; mais, dans la lettre même que M. Lincoln a adressée au général Frémont, le 6 août, pour le prier de modifier sa proclamation, il reconnaît qu’il n’a peut-être pas pu lui-même juger aussi bien que le général des nécessités de la position de l’armée fédérale dans le Missouri. M. Cameron, dans la lettre où il commente l’acte de confiscation en ce qui regarde les noirs fugitifs, reconnaît aussi que durant la guerre, dans les états où l’action des lois est suspendue, l’exercice des droits ordinaires peut être subordonné aux exigences de l’action militaire. On entend déjà de plus d’un côté faire appel à ce pouvoir suprême, ce pouvoir dictatorial dont la guerre, pendant les jours de danger, arme ceux qui ont pour mission de sauver un pays. Une fois déjà, en 1812, au moment où les États-Unis craignaient une guerre avec l’Angleterre, ce pouvoir avait été évoqué par l’un des hommes les plus vénérés de l’Union, par John Quincy Adams, qui fut président de la république. « Aussi longtemps, disait-il à la chambre des représentans, que les états à esclaves sont capables de maintenir leur institution sans secours étranger, sans faire appel à d’autres parties de l’Union pour la protéger, je consentirai à ne pas m’en occuper ; mais s’ils viennent aux états libres et leur disent : « Il faut nous aider à tenir nos esclaves dans la servitude, il faut nous aider à réprimer les insurrections et la guerre civile, » je dis