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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/326

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usines, au lieu d’abaisser les prix des fers, ne servit ainsi qu’à les exagérer. A. qui profita la hausse ? Aux propriétaires de forêts, qui tenaient toute la fabrication, puisque sans eux on ne pouvait pas faire de fonte. Le prix du bois doubla dans les deux ou trois années qui précédèrent 1826. Or, comme le revenu net des forêts, y compris celles de l’état et des communes, était évalué avant la hausse à 85 millions de francs, on peut se faire une idée de l’augmentation de revenus assurés à la propriété forestière par la loi destinée en apparence à développer l’industrie des fers.

On voit la tendance : il n’est pas nécessaire d’épuiser la série des mesures prises pour forcer le consommateur français à payer cher des articles qu’il aurait pu obtenir de l’étranger à bon marché. Un jour on repousse par des prohibitions ou des droits excessifs les cachemires, les soieries, les nankins, les tissus d’écorce venant de l’Asie, un autre jour les produits chimiques, les aciers, les machines, les menus outils. Ce serait encore une curieuse histoire que celle des prétentions contradictoires, des demandes qu’il n’a pas été possible d’accueillir. Les admirateurs fanatiques du passé, qui ne manquaient pas dans nos assemblées, regrettaient le système colonial de l’ancienne France : peu s’en fallut qu’ils n’obtinssent la prohibition absolue des sucres étrangers. On refoula ces sucres en 1822 par une surtaxe de 55 centimes par kilo, qui infligea aux consommateurs un surcroît de dépense annuelle évalué à 12 millions.

Un tel régime commercial, qui repoussait autant que possible les articles étrangers et tendait à caserner notre industrie à l’intérieur, avait des effets déplorables pour la navigation marchande. Les transports ne deviennent nombreux qu’en raison du bon marché, et comment naviguer à bon marché, si les élémens du fret sont insuffisans, s’il faut payer plus cher que les concurrens les objets nécessaires pour la construction et l’armement des navires. Comme il y avait un grand intérêt national à ne pas laisser dépérir la marine marchande, on lui accordait tous les dédommagemens qu’elle s’avisait de demander : le monopole du cabotage, le droit exclusif d’apporter les denrées coloniales, des prélèvemens sur le tonnage des vaisseaux étrangers, un agencement de tarifs différentiels, des primes en argent pour la pêche lointaine et l’interdiction d’importer les poissons de pêche étrangère. La chimie étant parvenue à dégager les matières colorantes des bois de teinture, les manufacturiers se contentaient d’introduire ces extraits, qui pesaient infiniment moins que la matière brute ; nos armateurs les firent prohiber, afin de conserver le fret que leur procurait le transport des bois. Ayant obtenu vers 1820 que les vaisseaux des Américains fussent surtaxés, ceux-ci suspendirent leur envoi de coton, et il fallut pendant quelque temps aller