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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/345

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étaient devenus plus faciles. On pouvait estimer à 50 pour 100 l’augmentation des récoltes en céréales depuis 1815, et la possibilité de manger du pain blanc s’était propagée dans la proportion de la moitié aux deux tiers des habitans. Le nombre des hectares plantés en vignes était augmenté de 400,000 sur 2 millions. La consommation du sucre, après être tombée jusqu’à 7 millions de kilogrammes, était remontée à 149 millions : cet aliment de luxe pénétrait jusque dans les hameaux. Il sautait aux yeux que le paysan était mieux logé et mieux vêtu que par le passé. La machinerie industrielle s’était développée largement. La fabrication du fer et de la fonte était littéralement décuplée, de 800,000 quintaux à 8 millions ; celle du coton sextuplée, de 6 millions de kilogrammes à 60 ; celle de la laine était au moins triplée ; bon nombre d’industries étaient des acquisitions nouvelles. Le progrès commercial à l’intérieur se mesurait par le nombre des patentes, qui, d’environ 800,000 vers 1815, s’était élevé à 1,440,000. L’esprit d’association se développait, à en juger par l’ardeur à fonder des sociétés commerciales, à lancer les grandes œuvres collectives. Les échanges avec l’étranger, entrées et sorties, se totalisaient par 1 milliard 500 millions, et en comparant par une espèce de sophisme commercial les exportations de 1815 à celles du moment, on était autorisé à dire qu’il y avait accroissement de 600 pour 100 sur les cotons, de 200 sur les lainages, de 60 dans les soieries. Enfin le progrès de la richesse publique se manifestait par un cachet de superfluité élégante, et les populations avaient l’avantage de fournir avec bonne grâce beaucoup plus d’impôts et beaucoup plus d’emprunts que par le passé.

Ainsi raisonnaient les chefs de la coalition prohibitioniste, et, à voir les choses terre à terre, leur exposé était vrai. Si l’on se plaçait au contraire à ces hauteurs où l’homme d’état devrait s’élever pour observer les intérêts sociaux dans leur ensemble, tout cela devenait illusoire. L’enrichissement des peuples est un phénomène complexe : il y faut faire la part de l’élan progressif qui entraîne toutes les sociétés contemporaines, et étudier surtout de quelle manière le bénéfice se répartit. Dans l’espèce, il y avait à discerner si le pays s’était enrichi par la vertu du système restrictif ou malgré ce système.

Il y a chez nous, depuis l’ébranlement de 1789, des causes de prospérité qui, bien que comprimées par les vices de notre régime économique, ont donné cependant une partie des résultats qu’on en pouvait attendre. Par exemple un des traits distinctifs de notre siècle, une des causes de sa splendeur, est l’application de la science à l’industrie. Quand un procédé nouveau accomplit pour 10 millions