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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/367

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difficile et plus compliquée que son objet est plus élevé, et l’on n’a point le droit de croire au surnaturel, parce qu’une complication, une difficulté nouvelle surgit. C’est le cas des convulsionnaires, et leur maladie a des symptômes inconnus, ou du moins mal observés jusque-là. La justice et la religion s’inquiétèrent des attaques de nerfs des ursulines de Loudun : c’est à la guerre que servait l’épilepsie des Cévenols ; c’est à remplacer la médecine que tendaient les convulsions des habitués du cimetière Saint-Médard.

De même que dans l’affaire des Cévennes, les convulsions, la catalepsie, l’extase sont ici des bienfaits du ciel, et non des signes de possession et de damnation. Les idiots semblaient aussi autrefois favorisés des dieux, et sont encore révérés chez les peuples primitifs. Tous ceux qui venaient se placer sur la pierre du tombeau du diacre Paris (mort en 1727) étaient immédiatement atteints d’une maladie nerveuse analogue à la danse de Saint-Guy. Ceux qui tentaient l’épreuve non-seulement entraient en convulsion, mais, s’ils étaient d’avance atteints d’une maladie vulgaire, ils guérissaient. Dans tous les cas, ils étaient sûrs d’avoir plus tard une maladie nerveuse. Beaucoup de guérisons ont été juridiquement constatées. On ne peut avoir nulle répugnance à les admettre, non plus que cette insensibilité momentanée de la plupart des convulsionnaires qui étonnait les contemporains. Le désir instinctif ou réfléchi de ressentir des effets extraordinaires, l’excitation nerveuse, la confiance en un pouvoir magique ont produit de plus grands miracles. On connaît ces effets singuliers de l’imagination qui ont causé même des blessures réelles et des morts rapides. La découverte de l’hypnotisme a montré qu’une attention profonde et exclusive, une direction constante des yeux, une accumulation de ce qu’il faut bien appeler le fluide nerveux, pouvaient produire des effets semblables à ceux du chloroforme. Chez les aliénés, cette insensibilité a été souvent constatée. On en cite un qui tentait d’introduire sa tête dans la bouche d’un poêle chauffé, et ne s’apercevait pas que sa tête était horriblement brûlée. Un autre tenait sans rien sentir un charbon allumé entre ses doigts. Bien plus, la perturbation de la sensibilité est parfois si grande que des douleurs très vives sont agréables. Sans prendre des exemples parmi ces êtres dégradés, on peut citer l’indifférence à la douleur des hommes que soutient une volonté forte ou une exaltation morale très prononcée. Ce n’est pas le courage seul qui autrefois faisait supporter la torture. La fermeté de l’esprit éteint la sensibilité autant qu’elle porte à n’en point tenir compte. Les soldats ont tous remarqué qu’une blessure reçue pendant le combat n’est très souvent sentie que le soir, lorsque tout est rentré dans l’ordre accoutumé.