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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/479

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locale. Jusqu’à la fin de 1860, l’exportation des blés de la Hongrie par la Méditerranée a été en quelque sorte nulle.

Il suffit évidemment, pour apprécier les motifs de cet état de choses, de se reporter un instant à ce qui a été dit plus haut sur le système des voies de communication de la Hongrie. Quelle était en effet jusqu’à ces derniers temps la position des quatre grands marchés d’exportation par rapport à Trieste ? Les trois marchés du nord, Pesth, Raab et Wieselbourg, étaient bien reliés au port de mer par une voie de fer continue ; mais d’abord, si on considère Trieste comme destination, le transport sur les marchés du nord constitue, pour la majeure partie des provenances, un véritable détournement qui se traduit par un accroissement du prix de revient, et en outre le détour obligé parvienne les grevait encore d’une taxe très lourde. Le marché de Sissek eût été évidemment bien mieux placé pour alimenter le commerce de Trieste : il est relié depuis longtemps aux principaux districts producteurs par des voies navigables sur lesquelles les transports se font à de très bas prix ; mais de Sissek à la mer le chemin de fer n’est pas fini, et un parcours forcé de 150 kilomètres par voie de terre suffit pour mettre à la charge du produit transporté des frais considérables, et même pour rendre impossibles des transactions d’une certaine valeur. Le prix moyen de l’hectolitre de froment sur le marché de Sissek pendant les cinq dernières années n’a pas dépassé 13 fr. 50 cent. ; mais le transport de Sissek à Trieste coûtait de 4 fr. 50 cent, à 5 francs, et tous frais à Trieste compris, l’hectolitre à bord revenait à 19 ou 20 francs, taux auquel l’exportation régulière était impossible. Si le chemin de fer de Sissek à la mer eût été fini, le transport de l’hectolitre n’eût coûté que 1 fr. 50 c. ou 2 francs, et cette différence de 3 francs eût été largement suffisante pour changer totalement la face des choses sur le marché de Trieste.

La ligne Pesth-Pragerhof a été ouverte le 1er avril 1861 ; un notable changement dans les conditions de transport des blés de la Hongrie sur l’Adriatique s’est produit aussitôt. Du 1er avril au 1er juillet 1860, les arrivages de céréales à la gare de Trieste n’avaient pas atteint 50,000 quintaux métriques ; dans le trimestre correspondant de 1861, ils s’élevèrent à 225,000 q. met., et il est très probable que le mouvement des blés hongrois sur Trieste dépassera déjà sensiblement à la fin de 1861 le chiffre d’un million de quintaux métriques, C’est encore bien peu de chose, il est vrai ; mais il n’y a jusqu’ici qu’une seule route ouverte, et précisément la plus chère. 1862 verra commencer la navigation de la Drave et finir le chemin de fer de Croatie ; si le mouvement de 1861 est déjà quadruple de celui de 1860, celui de 1862 et de 1863 surtout pourrait bien être aussi le quadruple de celui de 1861 et atteindre 4 millions de quintaux métriques ou environ 6 millions d’hectolitres.

L’Autriche, qui dans l’année 1860 n’a expédié au dehors de ses frontières de l’ouest et du nord que 3 millions de quintaux métriques de céréales,