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une famille à une autre, mais parce qu’il est convaincu que l’établissement de cette famille était nécessaire au maintien de ses libertés civiles et religieuses. Le prince qui imite la conduite des Stuarts doit être averti par leur exemple, et pendant qu’il se glorifie de la solidité de son titre, il fera bien de se souvenir que, si sa couronne a été acquise par une révolution, elle peut être perdue par une autre. »


Cherchons des génies moins âpres, et tâchons de rencontrer un accent plus doux. Il y a un homme qui s’est trouvé heureux dès le berceau, qui atout appris sans études, que son père a élevé dans la prodigalité et l’insouciance, que dès vingt et un ans la voix publique a désigné comme le prince de l’éloquence et le chef d’un grand parti, libéral, humain, sociable, fidèle aux généreuses espérances, à qui ses ennemis eux-mêmes pardonnaient ses fautes, que ses amis adoraient, que le travail n’avait point lassé, que les rivalités n’avaient point aigri, que le pouvoir n’avait point gâté, amateur de la conversation, des lettres, du plaisir, et qui a laissé l’empreinte de son riche génie dans l’abondance persuasive, dans le beau naturel, dans la clarté et la facilité continue de ses discours. Le voici qui prend la parole, pensez aux ménagemens qu’il doit garder ; c’est un homme d’état, un premier ministre, qui parle en plein parlement, qui parle des amis du roi, des lords de la chambre à coucher, des plus illustres familles du royaume, qui a devant lui leurs alliés et leurs proches, qui sent que chacune de ses paroles s’enfoncera comme une flèche ardente dans le cœur et dans l’honneur des cinq cents hommes assis pour l’écouter. Il n’importe, on l’a trahi ; il veut punir les traîtres, et voici à quel pilori il attache les « janissaires d’antichambre » qui, par ordre du prince, viennent de déserter au milieu du combat :


« Le domaine entier du langage ne fournit pas de termes assez forts et assez poignans pour marquer le mépris que je ressens pour leur conduite, C’est un aveu effronté d’immoralité politique, comme si cette espèce de trahison était moindre qu’aucune autre. Ce n’est pas seulement une dégradation d’un rang qui ne devrait être occupé que par la loyauté la plus pure et la plus exemplaire ; c’est un acte qui les fait déchoir de leurs droits à la renommée de gentilshommes, et les réduit au niveau des plus bas et des plus vils de leur espèce, qui insulte à la noble et ancienne indépendance caractéristique du pairage anglais, et qui est calculé pour déshonorer et avilir la législature anglaise aux yeux de toute l’Europe et devant la plus lointaine postérité. Par quelle magie nobiliaire peuvent-ils changer le vice en vertu, je ne le sais pas, et je ne souhaite pas le savoir ; mais en tout autre sujet que. la politique, et parmi toutes autres personnes que des lords de la chambre à coucher, un tel exemple de la plus grossière perfidie serait flétri, comme il le mérite, par l’infamie et l’exécration. »