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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/571

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une salutaire influence sur l’esprit farouche des indigènes. Le consul, M. Pritchard, fils du missionnaire du même nom, avait acquis une grande autorité sur l’esprit de l’un des principaux chefs, appelé Takombau, qui réside à Mbau, ville principale de Viti-Levou, la plus grande île du groupe. Les Anglais lui donnèrent ou lui laissèrent prendre le titre de Tui-Viti, équivalant à roi des Viti, ce dont il eut bientôt à se repentir, car les Américains, ayant à se plaindre de quelques dommages subis par leurs nationaux, s’adressèrent au chef portant le titre de roi pour en obtenir la réparation pécuniaire. Celui-ci répondit que son titre ne comportait pas une responsabilité aussi étendue, et que beaucoup des faits qui se passaient dans l’archipel échappaient à sa juridiction. Les Américains ne jugèrent pas cette raison satisfaisante ; ils attirèrent sur un de leurs bâtimens Takombau, et le malheureux chef se vit dans l’alternative ou de reconnaître la dette, ou d’être pendu. Il préféra naturellement le premier parti. La somme réclamée montait, avec les intérêts, à 10,000 liv. sterl. ; mais Takombau était dans l’impossibilité la plus absolue de l’acquitter, attendu qu’aucune espèce de numéraire n’est en usage dans l’archipel, et que les échanges s’y font directement avec des marchandises, Dans cet embarras, il consulta son ami Pritchard. Celui-ci l’engagea à se placer avec ses îles sous le protectorat anglais, à la condition que l’Angleterre se chargerait de la dette, et lui-même partit pour Londres afin d’y exposer l’affaire. Il portait à la chambre de commerce de Manchester des échantillons d’un coton venu dans les terrains d’alluvion que dépose à son embouchure le Nawua, un des cours d’eau de la grande île, et qui furent jugés d’excellente qualité. Ces démarches, qui avaient lieu en 1859, n’amenèrent pas un résultat immédiat, parce que le gouvernement anglais ne pensait pas que Takombau eût autorité pour céder tout l’archipel, et qu’il désirait prendre connaissance en détail des avantages et des ressources d’une telle acquisition. Si. Pritchard retourna donc à son poste pour concilier au protectorat anglais un autre chef puissant, Kuriduada, qui partage avec Takombau la domination de la grande île. Un officier supérieur, le colonel Smythe, fut en même temps envoyé pour étudier les avantages que pouvait offrir l’occupation. Un botaniste hanovrien connu par ses beaux travaux, M. Berthold Seeman, lui était adjoint dans cette exploration, et leurs rapports favorables décidèrent l’Angleterre à déclarer, dans le courant même de l’année 1861, qu’elle acceptait la cession que les chefs vitiens lui ont faite de l’archipel.

Les Viti prennent donc place désormais sur la liste déjà si riche des colonies anglaises en Océanie. C’est un beau résultat pour la politique coloniale de l’Angleterre. En même temps les recherches et