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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/742

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travailler au progrès de ses idées était de se borner aujourd’hui à demander par les voies légales la réforme des abus dans chaque état italien, à y répandre l’instruction et l’aisance, à le rappeler à l’activité, à l’industrie, à y organiser, comme dans les états du pape, un parti conservateur éclairé, intelligent, progressif ; faire sentir que le pape rendait à la cause italienne un immense service, par cela seul que, chef.de l’église, il donnait dans ses états l’exemple de larges et loyales réformes, que le surplus, que l’avenir, il fallait le laisser à la Providence.

« Ce double travail me paraissait facile au pape, dont on n’attendait que des réformes modérées et désormais pratiquées dans presque tous les états européens, constitutionnels ou non, au pape, qui peut s’adresser avec autorité même aux consciences dans ses états et hors de ses états par des voies dont ne dispose pas un prince laïque, — honnête en soi et utile à l’Italie, qui, plus développée sans doute qu’elle ne l’était il y a vingt-cinq ans, n’est pas en état cependant de tenter de grandes et périlleuses aventures. Elle a devant elle deux voies, dont l’une, couverte de pièges et d’écueils, borde un abîme, dont l’autre, longue il est vrai, mais facile, paraît conduire infailliblement au but. Qu’importe s’il n’est pas atteint de notre vivant ?

« Parlons sans détours : ou je me trompe fort, ou d’année en année la situation de l’Italie deviendra plus forte vis-à-vis de l’Autriche, tandis que celle de l’Autriche s’affaiblira relativement, et de tout ce que gagnera l’Italie en bons gouvernemens, en instruction, en aisance, en sentimens nationaux, et de tout ce qui paraît se développer en Allemagne de contraire à la politique autrichienne. Un mouvement italien serait en ce moment un service rendu à l’Autriche, qui pourrait encore, à moins que la France et l’Angleterre ne voulussent l’en empêcher au prix d’une guerre générale, étouffer violemment le progrès qu’elle est condamnée à respecter, qu’elle ne peut en aucune façon arrêter, tant qu’il s’opère successivement, régulièrement, avec le concours des pouvoirs établis, sur l’exemple du chef de l’église et à l’aide d’une partie du clergé. Dans dix ans, dans vingt ans, je n’en sais rien, il n’y aura pas dans les états italiens un homme, une femme (c’est par les femmes que le clergé influe même sur les hommes de faible croyance), un fonctionnaire, un magistrat, un moine, un soldat qui ne soit avant tout national. Comment en douter en voyant les conquêtes que le principe de la nationalité a faites dans la péninsule depuis trente ans malgré la toute-puissance autrichienne, l’opposition des pontifes, la réaction de 1822, les fameux congrès, les efforts de la congrégation, etc. ? Pourquoi ne pas se confier aux influences incessantes et certaines de la France, de sa tribune, de sa presse, de ses idées, aux influences non moins efficaces, et dans une certaine classe plus efficaces encore, du nouveau pontife et de ses réformes, et à l’action que l’Autriche peut sans doute soupçonner, mais qu’elle ne peut arrêter même dans ses possessions, des prêtres, moines, confesseurs catholiques et nationaux ? Il y a là un travail qui est loin d’être mûr ; mais en troubler la maturité serait une vraie démence.

« Maintenant que devait faire le pape dans ses états pour satisfaire le parti réformateur ?