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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/747

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« 17 février 1848

« L’ordre matériel et le calme extérieur continuent dans les états pontificaux ; mais ce serait une illusion de croire que les esprits ne sont pas agités et profondément troublés par la longue attente, par les événemens de Naples et de Piémont, et par les efforts incessans du parti radical, puissamment secondé par cette fraction ardente du parti national qui, sans partager ses principes sociaux et politiques, n’est pas moins impatiente de vider la question de nationalité. C’est sur ce terrain que se joignent aux radicaux des hommes qui en seraient à cent lieues par leurs doctrines et leur position sociale. C’est là aussi la vraie, l’unique cause de leur colère et de leurs violentes déclamations contre le gouvernement du roi. Ils ne lui reprochent pas, comme les radicaux, son éloignement pour les bouleverseraens révolutionnaires dans l’intérieur des états. Comme lui, ils préfèrent les réformes accomplies pacifiquement par l’accord du souverain et du peuple, fussent-elles moins larges que celles que pourrait amener une révolution ; mais ils ne lui pardonnent pas son amour de la paix, son respect pour les traités à l’endroit de la question austro-italienne. Ils sentent avec colère que le veto de la France leur est un puissant obstacle, même borné à l’inaction, à un refus de concours. Quand ils nous accusent d’être les alliés dévoués de l’Autriche, de ne rien faire, de ne prendre aucune précaution pour empêcher l’Autriche de les envahir, de les opprimer, de travailler à réorganiser contre eux une sainte-alliance, ils ne disent pas exactement ce qu’ils pensent. C’est une manière de se plaindre d’une amitié qui leur paraît froide et dédaigneuse, parce qu’elle ne va pas jusqu’à leur offrir cent mille hommes… La presse libre italienne, lue et comprise de tout le monde, va maintenant déborder sur la péninsule comme un torrent ; la question nationale sera son thème de prédilection, et sur ce thème, quels que soient ses écarts, elle ne trouvera ni un gouvernement pour la contenir ni un juge pour la réprimer. Dans cette situation si tendue, il est impossible de ne pas craindre un de ces accidens, une de ces collisions qui peuvent devenir très graves, sans que personne, sans qu’aucun gouvernement du moins, l’ait voulu de propos délibéré… C’est aux frontières du Piémont et des états du pape que pourrait surtout avoir lieu un choc qui mettrait en feu l’Italie entière… En attendant, la commission nommée par le pape et chargée de proposer les institutions propres à concilier les devoirs du pontificat avec les nécessités des temps modernes continue ses travaux. J’espère qu’on a enfin compris que la patience du public n’a plus que des bornes fort étroites… La nécessité d’un gouvernement représentatif, constitutionnel, peu importe le nom qu’on lui donnera, est désormais reconnue ici par tout le monde. Quelqu’un se montrait avec moi surpris de l’adhésion que donnaient à cette idée même les hommes qui y paraissaient tout récemment encore le plus opposés. « Ils n’ont pas changé, répondis-je ; c’est toujours le même sentiment : ils avaient peur de la constitution, aujourd’hui ils ont peur de ceux qui veulent une constitution. » Bref, le gouvernement temporel des états pontificaux ne peut pas ne pas devenir un gouvernement moderne, un gouvernement de publicité et de discussion.