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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/757

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fallait avant tout éviter toute discussion religieuse, entourer la religion, les institutions, les ministres d’un respect profond et sincère… Il fallait réunir le royaume d’Italie à Rome, ou bien permettre à l’état du pape de se donner un gouvernement national… »

Celui qui pensait ainsi avait évidemment l’esprit préparé à tout. Sur ces deux points, la question de nationalité et l’existence temporelle de la papauté en Italie, quels sont donc les faits qui auraient pu surprendre, déconcerter cet esprit hardi ou le rencontrer comme ennemi ? L’unité même de l’Italie, telle qu’elle tend à se réaliser, avait été sa première pensée en 1815. L’irrésistible essor du sentiment national, il l’avait entrevu et suivi ; la nécessité pour le pontificat temporel de se transformer par le libéralisme, il l’avait rendue palpable par une pressante éloquence en apercevant au bout la possibilité d’une transformation plus complète qui ramènerait la papauté à n’être désormais qu’une grande institution religieuse et morale. Comme politique, il pouvait admettre des alternatives, accepter des faits et se dévouer même pour tenter une suprême réconciliation ; comme publiciste, il allait jusqu’au bout de ses idées, et s’il y a une logique dans l’esprit des hommes, il est évident que le patriote, le libéral de 1848, désavoué bientôt par la réaction qui a suivi, eût été naturellement rejeté dans le courant d’idées et d’événemens que nous avons vu se dérouler. Rossi disait un jour avant 1848 : « La papauté est la dernière grandeur vivante de l’Italie. » En allant au-devant des assassine qu’il bravait, il disait encore : « Qu’importe ? la cause du pape est la cause de Dieu ; » mais ces mots brillans ou héroïques n’excluaient dans sa pensée ni le droit de l’Italie, ni la cause de toutes les idées modernes, et le jour où le poignard du sectaire l’arrêtait au seuil du parlement romain, il recevait la mort, l’esprit plein de pitié et de dédain pour ceux qui le tuaient aussi bien que pour ceux qui lui avaient suscité des obstacles, l’âme pleine de la pensée de la patrie.


CHARLES DE MAZADE.