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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/767

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arrêtée plus tôt dans son adhésion aux développemens de la révolution italienne ; nous eussions compris qu’on s’en fût tenu au programme de Villafranca et de Zurich, et qu’on eût dédaigné d’ajouter à notre territoire Nice et la Savoie : nous eussions compris que, nous présens à Rome, on n’eût pas souffert l’invasion des Marches et que l’on n’eût pas sanctionné l’annexion de Naples et de la Sicile ; mais ce que nous ne pouvons comprendre, c’est que la France veuille s’opposer à la conclusion logique des actes auxquels elle a activement et passivement concouru. Le gouvernement italien a fait connaître les bases franches et honnêtes, aussi conformes aux intérêts religieux qu’à l’esprit de notre temps, sur lesquelles il est disposé à traiter avec le saint-siège et à donner à l’église la liberté en échange du pouvoir temporel, aussi malfaisant à elle-même qu’à l’Italie. Nous, les gardiens de Rome, nous n’avons pas voulu soumettre au pape ces propositions, et notre présence, qui entrave l’organisation administrative de l’Italie, n’empêche pas les réfugiés dont Rome est l’asile de fomenter le brigandage dans les provinces napolitaines ! Sont-ce les seules conséquences de notre inaction ? Non. À Turin, le gouvernement constitutionnel s’énerve en se sentant condamné à l’impuissance ; nous voyons s’user les meilleurs patriotes de l’Italie, et l’on peut craindre que, lassés et découragés, ils n’abandonnent la direction de la révolution italienne aux mains des coureurs d’aventures et des désespérés. Nous ne cherchons point à dissimuler l’émotion que nous ressentons à voir l’Italie placée ainsi entre un état de faiblesse chronique ou de périlleuses folies. Nous croyons que la discussion qui va s’engager au parlement de Turin sur la question italienne ne sera qu’un pressant appel adressé à la logique et à la générosité de la politique française. Nous espérons encore que cet appel sera entendu, mais nous eussions trouvé plus digne de la France de le devancer par une initiative courageuse et sensée.

La petite Belgique constitutionnelle vient de payer sa dette à la cause libérale. La chambre des représentans a, par une majorité importante, exprimé son adhésion au ministère, combattu par le parti catholique pour avoir reconnu le royaume d’Italie. La droite avait formulé son opposition dans un amendement qui blâmait un système d’annexion destructif de la nationalité des états secondaires. Cette rédaction était habile, car dans sa forme générale elle mettait en cause le juste patriotisme du peuple belge. Le parti libéral n’a pas commis la faute d’accepter le débat sur un tel terrain. Repousser la condamnation du système des annexions, c’eût été en quelque sorte s’en déclarer partisan dans toute sa portée et dire implicitement qu’on était prêt à en subir les conséquences au détriment même de la Belgique. Après un débat où M. Frère-Orban a établi avec bon sens et fermeté la politique du ministère, où un ancien ministre des affaires étrangères a justifié par des précédens rappelés avec bonheur la reconnaissance du royaume d’Italie, la gauche a présenté un sous-amendement portant que « la Belgique neutre devait, comme elle l’a toujours fait, s’abstenir d’intervenir