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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/844

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libre consentement des Roumains et des Allemands qui l’habitent. L’empereur a ordonné le rétablissement provincial de ce pays, parce qu’il ne peut sanctionner une annexion repoussée par les habitans et sans aucun précédent historique. Quant à la Croatie et à l’Esclavonie, qui faisaient partie autrefois de la Hongrie, mais qui s’en sont séparées volontairement en 1848, la diète d’Agram est invitée à s’entendre à cet égard avec la diète de Pesth, et à revenir, s’il y a lieu, sur la précédente décision. En cas d’entente, on pourra décider sous quelle forme définitive aura lieu l’union constitutionnelle de la Croatie avec la Hongrie. Enfin, en ce qui touche ses propres droits souverains, l’empereur ne saurait reconnaître aucune irrégularité dans la renonciation de son oncle et de son père à tous les royaumes dont ils étaient les rois légitimes. Il n’a pas encore procédé à son couronnement : il le fera lorsque l’entente sera rétablie sur tous les points, et il proclamera avec bonheur à cette occasion une amnistie générale pour tous les griefs qu’il est si désireux d’oublier.

Ce rescrit, dont l’opinion en Europe approuva le ton ferme et modéré, fut accueilli par les chambres hongroises avec de tout autres sentimens. M. Deak, chargé une fois encore d’y répondre, le fit en reproduisant les argumens qui ont été déjà exposés, et l’assemblée adopta sans discussion, de même que la chambre des magnats, une nouvelle adresse qui déclarait tous liens rompus avec le gouvernement impérial, et reconnaissait que les travaux de la diète hongroise, tant que durerait cette scission complète, n’avaient plus aucun objet.

Le gouvernement ne pouvait plus hésiter, et la diète elle-même lui dictait la conduite à tenir. L’empereur se contenta d’adresser aux chambres de Pesth un court message dans lequel, considérant que le parlement hongrois avait méconnu son mandat, il le dissolvait, et ajournait à six mois, s’il y avait lieu, la convocation d’une nouvelle assemblée. Cette résolution, brièvement exprimée afin de couvrir la dignité de la couronne, ne pouvait suffire au gouvernement de Vienne, désireux d’en appeler au jugement du conseil de l’empire et à l’opinion publique. En conséquence, le ministère communiqua aux deux chambres une solennelle déclaration dans laquelle étaient énumérés les motifs de la grave mesure prise dans la plénitude du pouvoir impérial. Le chef de l’état déplorait les désordres de la Hongrie. Les dispositions de la patente du 20 octobre avaient mis en oubli le crime du 14 avril 1849 contre la dynastie et la pragmatique sanction : cet acte méritait donc un autre accueil. Tout ce que l’équité vis-à-vis de la Hongrie exige, ce que la justice impose envers les autres provinces de l’empire, ce que commande le développement de la grandeur de l’état, l’empereur l’avait fait. Il avait rétabli la