Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

meilleures marchandises. On connaît le trait de ce négociant parisien qui réunissait tous ses rossignols (qu’on veuille bien nous passer le mot), et les disposait sous cette commune étiquette : bon pour les colonies.

Le commerce de Port-Louis se fait en première ligne avec l’Angleterre, puis avec la France. En retour du sucre qu’elle reçoit, l’Angleterre envoie son charbon, sa bière et les produits de ses manufactures ; la France expédie ses vins, qui gagnent singulièrement en qualité dans le voyage, ses liqueurs, ses eaux-de-vie, son huile, ses articles dits de Paris, etc. Les Indes anglaises et néerlandaises apportent du riz, du tabac, des grains, du café, des toiles et des étoffes, puis de petits chevaux venant de Batavia, et les produits si connus de la Chine. Manille adresse à Port-Louis ses cordages et ses cigares renommés. L’Amérique du Nord envoie de la glace, dont les négocians de Boston alimentent le monde entier, des bois de construction (que fournit aussi la Suède), des viandes salées, des farines, enfin tous ces produits si divers que fabriquent les États-Unis. De l’Amérique du Sud, le Pérou expédie son précieux guano des îles Chincha, auquel ceux de la Bolivie, de la Mer-Rouge et du Cap ne peuvent faire concurrence ; Montevideo et Buenos-Ayres importent leurs mules des pampas, rivales de celles du Poitou. La colonie anglaise du Cap fournit son fameux vin de Constance, des pois, des chevaux, des grains ; Natal envoie des moutons et du beurre ; l’Australie, du blé, des salaisons, des farines. Madagascar apporte son riz, plus estimé que celui de l’Inde, ses beaux lambas, ses pagnes tissés avec le fil des cocotiers, ses bœufs à la bosse sur le cou, espèce inconnue à l’Europe, enfin quelques porcs et moutons et de nombreuses volailles. Les Seychelles (archipel jadis au pouvoir de la France et conquis sur elle par les Anglais en 1794) expédient de l’huile de coco, dont on se sert pour l’éclairage, des sacs de vacoa, des tortues de mer, des oranges, des citrons, connus sous le nom de citrons-galets et renommés pour leur jus, des noix de coco, de l’écaille, enfin ces objets de fantaisie gracieux que les habitans de Mahé, la principale des Seychelles, fabriquent avec les jeunes feuilles du cocotier de mer. Les Seychelles produisent en outre des bois précieux pour l’ébénisterie, la construction des édifices et des navires, du girofle, du café, du riz, du cacao, du sucre, enfin du coton de l’espèce dite longue-soie, qui au XVIIe siècle et même jusqu’à l’affranchissement des esclaves, fit la fortune de ces contrées.

Toutes ces cultures ont depuis déchu ; mais les Anglais, absorbés jusque-là par leur colonisation de Maurice, vont reprendre sur une large base celle des Seychelles, et déjà la capitale de l’île Mahé, Port-Victoria, autrefois l’Établissement, renaît à une nouvelle vie.