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Les Anglais ont consacré des sommes énormes à la construction des citernes d’Aden ; mais il est juste de dire que l’idée première de ce travail revient aux Arabes. Des bassins en ruine existaient en effet sur ce point, quand les Anglais en ont entrepris non-seulement la réparation, mais le rétablissement sur une bien plus large échelle. Quelques auteurs font même remonter jusqu’à Salomon la première époque de la construction de ces réservoirs, et il existe non loin d’Aden des traces d’un ancien aqueduc qui conduisait l’eau aux citernes. Cet aqueduc traverse une contrée dont les Arabes sont restés seuls maîtres, et c’est sur les eaux pluviales que l’on a principalement compté pour l’alimentation des bassins modernes. Il pleut rarement à Aden, mais il y pleut par torrens, et la pente raide des montagnes, l’imperméabilité du roc et l’absence de terre végétale empêchent toute déperdition de l’eau. Aussi ai-je vu les bassins supérieurs, chacun d’une capacité considérable, remplis jusqu’aux bords. Quand tous les réservoirs fonctionneront, on estime que le volume total dépassera 80 millions de litres. Malheureusement les citernes ne sont pas couvertes, et l’on peut se demander si ce n’est pas une faute que l’expérience indiquera. L’eau présente dans les bassins déjà remplis une couleur d’un vert sombre, due sans doute à quelque végétation rudimentaire dans le fond et sur les parois. car la surface du liquide reste claire et d’une grande transparence jusqu’à une profondeur de plusieurs pieds. Cette eau sera du reste toujours préférable à celle des puits voisins, qui est saumâtre et chargée de parties salines. Non-seulement les citernes alimenteront la ville d’Aden, qui renferme plus de 25,000 âmes, mais encore toute la garnison établie dans les forts, au nombre de près de 2,000 soldats, enfin tous les bâtimens à vapeur relâchant à Steamer-Point. et qui aujourd’hui n’embarquent encore que de l’eau de mer distillée, apportée par des bateaux plats en même temps que le charbon. Les navires à voiles, qui s’alimentent aux mêmes sources que les bateaux à vapeur, profiteront également de l’eau plus potable des citernes.


II. — LE COMMERCE, L’HISTOIRE ET LA POPULATION D’ADEN.

Aden est non-seulement célèbre par ses gigantesques réservoirs, mais encore par son port de mer, que la baie de Steamer-Point tend néanmoins à détrôner, étant plus sûre et plus facilement accessible par tous les temps. En face du port d’Aden est l’île volcanique de Sirah, où les Arabes prétendent que Caïn, vagabond sur la terre après le meurtre d’Abel, vint se réfugier. Un fait qui paraît plus certain, c’est que l’île a dû être jointe au continent, dont elle a été