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Les Soumalis sont dans leur pays un peuple pasteur. Ils ne viennent à Aden que pour amasser un petit pécule, et dès que leur but est atteint, ils cèdent la place à d’autres, et retournent chez eux s’adonner au soin des troupeaux[1]. Ils ont formé à Steamer-Point une petite ville à part au-delà des monumentales constructions de la plage, occupée par les résidences des négocians parsis, les administrations de la poste et du télégraphe électrique, enfin les établissemens de la Compagnie orientale. Leur village est modestement caché derrière ces habitations luxueuses : il est composé de cahutes en paille et en bambou ; mais il n’en possède pas moins ses places et ses cafés, ses magasins et ses bazars.

À côté des Soumalis, et se livrant à un trafic plus actif et plus régulier, il faut citer les Arabes. Ils font à Aden le commerce du café, de l’encens, de la myrrhe, des grains, du bétail et des fruits. Le café est en grande partie expédié de Moka et du port plus voisin d’Hodeïda, heureux rival du premier, autrefois si fameux. Ces deux ports sont dans la Mer-Rouge ; mais Aden entretient aussi des relations avec Mascate, à l’entrée du Golfe-Persique. Cette ville est la capitale de la province d’Oman, où règne, sous la suzeraineté nominale de la Porte, un iman indépendant, qui possède également Zanzibar, sur la côte orientale d’Afrique. L’iman fait non-seulement le commerce avec Aden, mais encore avec Madagascar, les Comores, Maurice et Bourbon. Il a même expédié des navires en France, et les négocians de Marseille font des affaires avec lui.

Les banians de Bombay, marchands hindous, se font remarquer à côté des Arabes, et contribuent pour une large part au mouvement commercial d’Aden. Quelques-uns sont très riches, et la majeure partie du commerce de ces contrées est depuis des siècles entre leurs mains. Ils importent en Arabie du riz et des toiles de l’Inde, des objets de fantaisie en bois de sandal, des meubles, des tissus et des laques de Chine, et ils repartent quand leur chargement est vendu et la saison favorable. Les banians de l’Inde, comme les Soumalis et les Arabes, naviguent sur des boutres dont la forme, aujourd’hui insolite, rappelle celle des navires de l’antiquité. Une voile carrée et quelques paires de rames sont encore les seuls moteurs de ces bâtimens primitifs), et l’on peut dire que la navigation des

  1. Quelques-unes des tribus du Soumal se livrent aussi au pillage, et malheur aux navires que la tempête jette à la cote. Un bâtiment français, échoué en 1861 sur ces rives inhospitalières, a été pillé par les indigènes, et une femme qui se trouvait à bord. emmenée par eux dans l’intérieur. Le vapeur anglais venant des Seychelles prit pour une lumière allumée sur le rivage le signal des malheureux naufragés. Ils ne furent recueillis que quelques jours après par un trois-mâts amené par hasard vers ces parages, et qui les conduisit à Aden.