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Saint Louis les avait assemblés au mois de mai 1246 pour régler un point de la coutume locale ; ce fait était consigné dans le recueil des ordonnances du Louvre. On trouvait dans le même recueil qu’en 1355 les états d’Anjou et du Maine octroyèrent gracieusement une aide de 2 sous 6 deniers par feu, pour être employée à la garde du pays sous la condition qu’à l’avenir des aides semblables ne pourraient être levées au pays d’Anjou et du Maine, si ce n’est par l’assentiment exprès desdits gens d’église, desdits nobles et desdites communes. Enfin en 1508 Louis XII les avait convoqués pour régler encore un point de législation.

On retrouve là, comme en Normandie, le contre-coup de ce qui s’était passé ailleurs. L’Anjou n’y avait pas songé de lui-même. On comprend parfaitement que la province attachât un grand prix à faire constater ses anciens droits ; mais la forme de sa réclamation dépassait le but légitime. Les traces des états avaient si complètement disparu, qu’à Angers même on considérait leur existence comme problématique. Bodin, qui était d’Angers et qui écrivait vers 1575, ne mentionne point l’Anjou parmi les provinces qui avaient encore des états. Nul ne pouvait dire comment ils se composaient, et dans tous les cas une constitution qui remontait au Ve siècle devait être peu en rapport avec la société du XVIIIe. La municipalité d’Angers fit à cet égard la leçon au bureau intermédiaire : elle prit une délibération pour déclarer que la province n’était nullement tenue à suivre les anciennes formes, en supposant qu’elles fussent connues, et pour réclamer la double représentation du tiers et le vote par tête, comme si le bureau intermédiaire eût entendu les contester. Avec l’agitation universelle des esprits, ces questions prenaient une importance qu’elles n’avaient pas par elles-mêmes, puisque le roi avait accordé d’avance presque tout ce qu’on lui demandait.

La même municipalité protesta contre l’admission de M. de Praslin dans le tiers-état, et montra une extrême passion contre les nouveaux anoblis qui, ballottés entre la noblesse et le tiers, avaient une situation de plus en plus difficile. Il devenait évidemment nécessaire de supprimer l’anoblissement au moyen des charges vénales, un des plus crians abus du passé ; mais en attendant les puristes du tiers-état montraient peu de bon sens en fermant leurs rangs aux nouveaux anoblis, quand ils les voyaient repoussés par l’ordre noble et disposés à en prendre leur parti.

Les principaux membres des assemblées particulières et de l’assemblée générale furent élus l’année suivante aux états-généraux. L’archevêque de Tours et l’évêque du Mans ne tardèrent pas à émigrer. Le duc de Luynes fit partie des 47 membres de la noblesse qui se réunirent au tiers-état le 25 juin 1789 ; il n’émigra pas, ne