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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/433

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d’intérêts particuliers. — À ce titre surtout, les Américains étaient plus enclins que personne à faire prévaloir les privilèges du pavillon neutre. En cas de guerre européenne, le commerce des belligérans devait être appelé par la force des choses à emprunter le pavillon étoile de l’Union. C’était là tout à la fois un grand avantage pour l’Union, une garantie pour les faibles et un frein pour les forts, car celui des belligérans qui aurait méconnu des prétentions légitimes en elles-mêmes et prêtes à s’appuyer d’une force redoutable se serait exposé presque infailliblement à voir la neutralité de l’Amérique se changer contre lui en hostilité. Lord Clarendon avait certainement fait ces réflexions, sans qu’il jugeât nécessaire de les communiquer à ses auditeurs, lorsqu’il disait qu’en ; renonçant à sa prétention passée de saisir la marchandise ennemie sous pavillon neutre, l’Angleterre n’avait fait qu’une concession apparente, et que c’était là désormais un droit impossible à soutenir.

Les critiques que soulèvent sur ce point les déclarations du traité de Paris ne sont pas les seules qu’on soit en droit de faire. Il en est malheureusement d’autres qui trouveront peu de contradicteurs, car si l’abolition de la course, désavantageuse à la France, presque exclusivement favorable à l’Angleterre, est cependant approuvée de ceux qui pensent que notre désintéressement ne doit pas reculer devant le sacrifice de nos intérêts à des idées et à des sentimens généreux, ceux-là seront d’autant plus disposés à regretter qu’une pareille concession n’ait pas été mise à profit pour faire fixer les points litigieux du droit maritime. Le sentiment d’humanité qui faisait condamner la course aurait obtenu un plus grand triomphe encore, si l’on avait écarté de l’avenir les chances de conflits par des stipulations claires et précises. Les déclarations du traité de Paris, personne ne le niera, sont conçues, relativement aux blocus, en termes beaucoup trop généraux ; elles autorisent la saisie de la contrebande de guerre, sans dire en quoi consistera cette contrebande, ce qui est toute la question ; elles se taisent complètement sur un des points les plus contestés du droit maritime international, la visite des navires neutres par les belligérans. Cependant ce n’est pas du principe abstrait de la prohibition du transport de la contrebande de guerre, prohibition généralement admise par tous les traités, que sont sorties les contestations renouvelées à chaque guerre. Les neutres ont toujours reconnu aux belligérans le droit d’interdire une certaine contrebande de guerre ; mais la définition de cette contrebande n’a jamais pu se faire d’un consentement unanime. Le principe du droit des gens, que les neutres ne doivent pas fournir des armes aux combattans, était trop conforme au droit naturel et