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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/762

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le crédit public. Il crut y être parvenu après sa conversion facultative, et il écrivait dans le Moniteur du 4 août 1825 : « Ainsi, de l’aveu même des possesseurs, les 5 pour 100 sont exclus de la sphère de notre crédit et n’y tiennent plus aucune autre place que les autres pensions ou les autres services imposés au trésor par ses engagemens ou les nécessités du pays. Ils ne figurent plus au grand-livre que pour mémoire et à titre de renseignemens, car le véritable grand-livre ou la collection de la dette publique doit être réservé au 3 pour 100. » Cette illusion, inspirée par le dépit plus peut-être que par la confiance, a été déçue. La concurrence de l’ancien 5 pour 100, devenu notre 4 1/2 et représentant une masse de plus de 173 millions de rentes, alimenté sans cesse par les petites épargnes qui vont naturellement aux plus gros revenus, cette concurrence n’a pas été encore vaincue par notre 3, dont elle comprime l’élan.

L’avantage qu’il y aurait, ai faire cesser cette concurrence a dû être la préoccupation principale de M. Fould. Possédé de cette pensée et enchaîné par les circonstances, qui ne lui permettent pas de dicter des conditions aux rentiers, M. Fould se borne à peu près, dans le plan qu’il nous propose, à donner aux porteurs de 4 1/2 un simple échange de titres en leur conservant le même revenu. Un tel échange était toujours à la portée des rentiers. Ceux d’entre eux qui auraient voulu s’assurer contre toute chance de réduction le pouvaient toujours en vendant leur 4 1/2 et en achetant du 3 à la place. Il est vrai que, la capitalisation du 41/2 étant relativement plus faible que celle du 3, le rentier eût été obligé, pour conserver un revenu égal, de débourser, en sus du produit de la vente de son ancienne rente, une petite somme. C’est sur cette somme complémentaire, sur cette soulte, — pour employer un mot qui va devenir historique, — que repose le marché avantageux offert aux rentiers. L’état se charge de faire leur conversion à moins de frais qu’il ne leur en aurait coûté à eux-mêmes dans le cours ordinaire des choses. Il ne leur demande qu’une part de la soulte résultant de l’écart entre les deux fonds, et moyennant cette petite prime il leur donne en fait une garantie contre la réduction de leurs revenus.

L’expression du regret que nous inspire ce projet de conversion facultative n’est certes point de nature à compromettre le succès de l’opération. À nos yeux, ce projet concède trop aux rentiers et fait trop bon marché des ressources futures de la France. La situation financière actuelle de la France n’est pas brillante, nous le reconnaissons ; mais quand on est ce que nous sommes, un grand et riche pays, n’est-il pas permis de s’élever au-dessus des embarras momentanés et de compter sur l’avenir ? L’Angleterre, dans un court espace de temps, a pu réduire son 5 pour 100 en 3 par des conversions successives. La France n’aurait-elle pas eu le droit d’espérer qu’il lui serait possible à elle aussi, dans un temps donné de réduire de 4 1/2 à 3 la charge d’une portion si considérable de sa dette ? Nous connaissons les 1 objections que l’on peut nous opposer, et nous savons qu’elles ne sont point