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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/108

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parallèle à la ligne présumée des Novœ Tabernœ, on passera devant plusieurs églises. Une des premières, SS. Côme et Damien, est précédée d’une rotonde, ancien temple des dieux pénates que le pape Félix IV lui a donné pour vestibule. Sa crypte, où l’on a trouvé le plan de Rome gravé sur des tables de martre dont les morceaux sont conservés au musée du Capitole, indique assez que le sol du temple était plus bas, et qu’il était déjà enterré quand il a reçu la consécration chrétienne. Que perdrait ce monument à être isolé ? J’en dis autant de S. Laurent, qui le précède, et qui, moins curieux par lui-même, sert à protéger l’ancien péristyle et deux pans de mur du temple d’Antonin et de Faustine. Huit colonnes de marbre cipolin, monolithes de plus de 13 mètres et supportant une frise où se lit encore l’ancienne dédicace, forment un beau porche qui gagnerait apparemment à être déblayé jusqu’au bas des vingt et un degrés de marbre par lesquels on y montait autrefois.

Une vaste ruine n’est pas loin. Ces trois grandes voûtes, dépouillées maintenant de toute parure, comparables aux tribunes de nos plus grandes églises, terminaient les trois nefs parallèles de la basilique commencée par Maxence sur les ruines du temple de la Paix et achevée par Constantin. Une de ses colonnes, une seule, dont le fût, en marbre blanc, a 14 mètres de long, a été sous Pie V transportée par Charles Maderno devant Sainte-Marie-Majeure, pour recevoir l’image de la Vierge, et elle est telle qu’il a été écrit que cette colonne isolée était la plus belle chose en architecture qui existât dans tout l’univers[1]. Donc elle n’est pas du temps de Constantin. Ainsi il date du temps des empereurs (et Adrien en avait largement profité), cet usage, trop imité par les papes, de dépouiller les anciens monumens au profit des nouveaux.

Cet Adrien avait dessiné lui-même le temple de Vénus et de Rome, dont un vaste hémicycle, richement orné à la voûte, se soutient encore tout seul. On dit qu’il se composait de deux sanctuaires adossés, l’un faisant face au Forum, l’autre au Colisée. Par une vanité singulière, l’Asiatique Adrien le fit bâtir pour montrer à l’architecte Apollodore, l’auteur de la basilique et de la colonne de Trajan, qu’il en savait autant que lui sans avoir rien appris. Il daigna même lui faire voir ses plans et lui demander son avis. L’artiste eut l’ingénuité de répondre qu’ils étaient assez bons pour des plans d’empereur. Apollodore en fut quitte pour la perte de la vie. Ce sont là jeux de prince.

Voilà l’esquisse monumentale de la région du Forum, et, quoiqu’elle soit riche encore en précieuses antiquités, on ne peut se défendre

  1. Le président De Brosses.