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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/131

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au duc de Bavière sur sa simplicité d’esprit ; vous aurez en substance ; la pédantesque et injurieuse réponse des théologiens de Rome.

En vérité, cette réponse était facile à prévoir. Qu’on ne se hâte pas cependant de signaler, un acte insensé dans le projet du roi de Bohême. Il faut se reporter au XVe siècle, le grand siècle des aventures, le, siècle des royautés qui se fondent. Dans l’enfantement confus du monde moderne, tous les pouvoirs se déplacent. De là, par tout pays, des ambitions déchaînées et comme une chasse ardente aux couronnes. C’est l’époque du grand Sforza, de Charles le Téméraire, des York et des Lancastre. Au milieu de ces compétitions furieuses, dans la mêlée des entreprises et l’essor désordonné des rêves, on s’explique mieux, ce semble, le noble songe du roi de Bohême. Au reste, folie ou non, la physionomie morale de George de Podiebrad s’éclaire d’une lueur nouvelle. Ce ne sont pas ici, comme sur d’autres scènes du XVe siècle, les jeux de la violence et de la muse. Quoi de plus beau que cette candeur héroïque chez un souverain menacé d’une guerre impie, et qui, ne voulant ni trahir la foi de son peuple, ni tirer l’épée contre les catholiques, essaie de tout concilier par une combinaison grandiose dont profitera la chrétienté tout entière ?


II

Un chef comme le roi George ne s’abandonne pas longtemps à ses rêves : C’est l’heure de veiller et d’agir. Le roi est à son poste. La ligue des seigneurs, quoique bien organisée dès la fin, de 1455, est tenus en échec par une main de fer. Podiebrad a réfuté leurs griefs devant l’assemblée des états, il les réduit à ronger leur frein derrière les murailles de leurs burgs. Entourés, gardés à vue, chacun dans son domaine, les seize barons n’osent rien entreprendre. Ce n’est pas tout : en maintenant l’ordre à l’intérieur, il faut conjurer l’orage qui peut se former au dehors. Au moment où l’empereur vient de se déclarer pour le pape, ce serait une imprudence de compter sur les anciennes sympathies des princes allemands. Ces sympathies, il faut les entretenir, les conquérir sans cesse ; il faut prouver que la cause du roi de Bohême est la cause de tous les souverains ; il faut opposez le droit national au droit théocratique. Or en ce moment-là même, au commencement, de 1466, un nouveau lutteur entre en scène et vient se placer auprès du roi.

C’est un vieillard, un intrépide vieillard, théologien et légiste, savant et orateur. Nous l’avons déjà signalé ; il se nomme Grégoire de Heimbourg. Né avec le siècle, il a joué un rôle dans toutes les grandes discussions qui, ont tenu la chrétienté en suspens. Il était