Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

découvert. Un planteur du sud a besoin d’avances sur des cotons qui sont encore sur pied, un pionnier sur les forêts qu’il doit abattre dans l’ouest, un négociant sur les marchandises qu’il attend d’Europe, un ingénieur sur le chemin de fer qu’il a rêvé. Actions, obligations, coupons, d’emprunts, titres hypothécaires, warrants commerciaux, lettres de change à des termes impossibles, tout s’escompte, tout se mobilise. L’intérêt se discute au mois à raison de 1 et parfois 2 pour 100. Chacun paie le crédit plus ou moins cher selon sa consistance personnelle. En définitive tout le monde trouve du crédit, tout le monde travaille. Le capital reproducteur s’économise et s’accumule. C’est, ainsi que la nation, ou pour mieux dire le groupe du nord qui la représente en ce moment, a acquis cette vitalité qui peut lui permettre de traverser l’épreuve la plus terrible.

Ce système a son côté faible. Le billet échangeable contre espèces étant usité le moins possible, on garde dans les caisses peu d’espèces, infiniment moins qu’il n’en faudrait pour l’immensité des affaires. À celui qui emprunte, une banque livre rarement des billets ou des écus : elle l’autorise à disposer sur elle jusqu’à concurrence de la somme prêtée. Il s’établit dans le public une espèce d’entente cordiale pour maintenir la confiance nécessaire à ce genre de circulation. Par malheur de temps en temps, soit que l’on pressente de fortes demandes d’espèces pour l’exportation, soit que l’abus du crédit ait poussé l’esprit mercantile à des excès trop évidens, les spéculateurs prudens manœuvrent à petit bruit pour se mettre à couvert. Les chèques sont plus souvent présentés au remboursement. On tâche d’échanger les billets au porteur contre des écus. Les banques, avec leurs encaisses insuffisans, éprouvent des embarras cruels, et bientôt se déclare une crise monétaire qui, au milieu d’une incontestable prospérité, dégénère en crise commerciale : c’est l’histoire de la grande débâcle de 1857, si funeste à l’Europe.

Ceux qui connaissent le monde financier des États-Unis vous diront que les capitalistes y vivent dans la crainte de ces accidens, comme l’homme une fois congestionné dans la crainte des apoplexies. Eh bien ! les gigantesques opérations financières occasions-nées par la guerre civile vont avoir pour effet de modifier le régime et la pratique du crédit, et à certains égards ces changemens paraissent favorables aux corporations financières. Voilà pourquoi j’ai cru devoir expliquer le mécanisme des banques, et si la préface a été un peu longue, elle n’aura pas été inutile.


II. — LA DETTE PUBLIQUE.

Au point de vue spécial où le financier est placé » on distingue deux espèces de guerre, l’une politique et pour ainsi dire normale,