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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/202

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avec les finances des pays européens. Les emprunts de cette catégorie ont généralement pour origine l’exécution des canaux et chemins de fer, ou la dotation des banques réclamées par les industries locales ; ils s’élèveraient pour les trente-trois états au capital de milliard 310 millions de francs, si l’on s’obstinait à y comprendre les engagemens que certaines législatures ont annulés et l’accumulation des intérêts non servis. Quelle que soit d’ailleurs la situation de ces dettes locales, elle n’affecte en aucune façon le crédit du gouvernement, qui représente la loi et l’unité. Il y a plus : sur ce chiffre de 1 milliard 310 millions, la part des états libres, qui comprennent 22 millions d’âmes, est de 779 millions. Les sécessionistes, quatre fois moins nombreux[1], si l’on ne compte parmi eux que les hommes libres, doivent 530 millions. Les produits des entreprises subventionnées au moyen des emprunts d’état sont ordinairement appliqués au paiement des intérêts. Dans le nord, où la vie industrielle n’a pas été suspendue, les dividendes sont servis comme de coutume, et les cours de ces fonds spéciaux n’ont pas été fortement ébranlés. Treize états unionistes ont même pu faire, depuis 1861, des emprunts pour la guerre, que le patriotisme maintient à un cours voisin du pair. Au sud, les banques ne fonctionnent plus, les chemins de fer ne transportent plus que des canons et des soldats. Il n’y a plus de marché pour les titres sécessionistes ; les fonds du Tennessee, de la Virginie, de la Louisiane, autrefois estimés sur la place de New-York, s’y vendraient encore avec 50 pour 100 de perte ; les autres n’y sont plus même cotés.

Dans tout pays menacé de guerre, la première chose que fait le gouvernement est d’emprunter s’il le peut et autant qu’il peut : la mesure de son crédit est donnée par le chiffre des dettes antérieures et par la facilité qu’on a d’augmenter encore les impôts. À cet égard, les finances des états unionistes étaient, comme on vient de le voir, dans une situation exceptionnelle. Les engagemens du trésor et les charges fiscales étaient si faibles qu’on s’en apercevait à peine : les ressources naturelles semblaient illimitées ; l’énergie créatrice de la population était proverbiale. Les capitalistes de New-York et de Boston ne s’alarmèrent donc pas beaucoup des énormes dépenses que l’on pouvait prévoir. La guerre ayant éclaté, le public pourvut instinctivement aux premières nécessités en absorbant divers papiers

  1. On a pu hésiter longtemps sur le classement des états sécessionistes. Le président Lincoln a fait cesser l’incertitude en déclarant coupables d’insurrection les districts où l’essai d’impôt direct a rencontré des obstacles : ce sont la Caroline du nord, celle du sud, la Floride, la Géorgie, l’Alabama, la Louisiane, le Texas, le Mississipi, l’Arkansas, le Tennessee et la Virginie, sauf la zone septentrionale, isolée par des montagnes, et dont on fera un état séparé où l’esclavage sera aboli. La confédération du sud comprend donc onze états avec 5 millions 1/2 d’habitans libres et 3 millions 1/2 d’esclaves. La cause unioniste a rallié 22 millions d’âmes.