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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/204

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enflée, devait donner 184 millions de francs. On attendait d’une taxe nouvelle, espèce d’impôt sur le revenu, un supplément d’une centaine de millions. Le compte du déficit était donc facile à établir : 2 milliards 433 millions ; sur cette somme, 985 millions avaient été déjà obtenus par des émissions de papiers ou des dons patriotiques, et 227 millions accordés par le congrès restaient à négocier. Pour ajuster la balance, il n’y avait plus qu’à trouver une légère somme d’environ 1,100 millions.

Ce n’est pas tout. Le secrétaire de la trésorerie américaine ne paraît pas posséder, comme nos habiles praticiens, l’art précieux d’atténuer les chiffres, en les manipulant sous les yeux des assemblées, de les édulcorer, de les faire avaler à petites doses. Le rude financier américain ne se contente pas du coup qu’il frappe : il tient à montrer en perspective les sacrifices auxquels il faut se résigner pour l’année suivante. — Si la guerre civile se prolonge, dit-il, il y aura à dépenser pour le prochain exercice (du 1er juillet 1862 au 30 juin 1863), indépendamment de 115 millions pour le courant ordinaire des dépenses administratives, 1,800 millions pour la guerre, 225 pour la marine, plus de 200 pour payer les intérêts de la dette qui s’accumule, en tout 2 milliards 376 millions de francs. Les sources du revenu, tant anciennes que nouvellement ouvertes, donneront, à ce qu’on peut espérer, 479 millions, cinq fois moins que la somme nécessaire. — En définitive, après tous ces emprunts remplis, et en supposant que des calamités nouvelles ne commandassent pas de nouveaux sacrifices, la dette publique devait arriver au chiffre de 4 milliards 486 millions de francs à la date du 30 juin 1863.

Les révélations financières de M. Chase, cette perspective d’avoir à emprunter 4 milliards 1/2 eu deux ans et peut-être davantage, n’ont pas causé aux États-Unis la stupeur et les alarmes que nous supposons, parce qu’elles seraient peut-être légitimes chez nous ; mais, dût notre orgueil national en souffrir, il faut reconnaître que l’Amérique a des ressources plus grandes que les nôtres. Le domaine national destiné à être revendu est incommensurable. La population dépassera dans dix ans celle des plus grands empires européens. Le capital industriel est déjà si fort qu’il peut être entamé sans péril, et d’ailleurs la somme à laver annuellement sous forme d’emprunt, et dont les intérêts constitueront des rentes au profit de ceux qui viendront au secours du trésor, n’est pas beaucoup plus forte que la somme à payer, à titre d’impôts, par les contribuables du vieux continent. Le fardeau n’est donc pas tel que la nation en soit accablée. Tout le péril est dans la transition. Il s’agit d’empêcher que la richesse, mobilisée tout à coup, et sans proportion avec les besoins, que ces flots de titres et de papiers qui vont grossir démesurément le cours de la circulation, ne déterminent un cataclysme commercial.