Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont la rapide dépréciation du papier-monnaie et l’élévation du change étranger. L’or, qui s’est coté jusqu’à 20 pour 100 au-dessus de la valeur nominale du papier, est encore à 16 pour 100 aujourd’hui, et pour toucher 100 en espèces sur la place de Londres, il a fallu donner 130 en papier à New-York. On a rêvé des assignats, et on a vu l’Union américaine précipitée dans l’abîme de la banqueroute. Lorsque le papier obtient cours forcé, il chasse nécessairement la monnaie métallique ; l’or et l’argent cessent d’être mesures monétaires et marchandises, pour ne plus conserver que cette dernière qualité, et comme ils ont certaines utilités qui manquent au billet, ils font naturellement payer ce service. Si le billet de la Banque de France n’a rien perdu en 1848, c’est une exception phénoménale tenant à un ensemble de circonstances qui ne se reproduiront sans doute plus. Quand le papier de la Banque d’Angleterre remplaça la monnaie, la confiance dans l’avenir resta entière, et cependant la prime de l’or dépassa 40 pour 100. En 1813, on paya jusqu’à 111 shillings en bank-notes le quarter de blé, qu’on aurait pu avoir pour 74 shillings en or.

Les changes étrangers ne sont en définitive qu’un règlement de compte commercial. La cessation des ventes de coton a dérangé l’ancien équilibre et fait pencher la balance en faveur de l’Europe. Il est arrivé aussi, dans le premier moment de panique, que les détenteurs étrangers de rentes américaines ont fait vendre leurs titres et en ont retiré des espèces. De la, baisse des fonds publics, large exportation de lingots, rareté de l’or et élévation correspondante de la prime. Les Américains ont attribué ces mouvemens naturels à une hostilité systématique de leurs frères d’Angleterre, et ils paraissent en avoir gardé un assez vif ressentiment. On prévoit que la balance inclinera bientôt en sens inverse. Il y a une chose devenue aussi nécessaire à l’Europe que les cotons, ce sont » les étoffes de la nourriture, » les bread stuffs, comme on dit en Amérique, et les états du nord ont le privilège de les produire. La récolte de cette année est excellente : les exportations ont pris, des le mois de juillet, une telle extension que le change sur Londres s’en est ressenti : la prime sur l’or tend à baisser. Il faut considérer aussi que les états unionistes sont producteurs de métaux précieux, et que les réserves métalliques de New-York se reforment incessamment, grâce aux richesses californiennes.

Ce qui est à craindre pour les États-Unis, c’est bien moins le ralentissement des affaires que l’over-trading, la surexcitation maladive du commerce sous l’influence d’un crédit trop facile. Si on se rappelle ce qui a été dit plus haut sur le système des banques new-yorkaises, types de la plupart des autres, on comprendra comment