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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/295

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Nous avons vu comment M. Guizot expliquait la politique orientale de la France. Pour montrer encore une fois de plus l’incontestable accord de M. Guizot et de M. Thiers en Orient, citons un passage de la note diplomatique du 3 octobre 1840. C’est la réponse de la politique française à la politique anglaise après le traité du 15 juillet 1840. « L’existence de l’empire turc est en péril, disait M. Thiers, l’Angleterre s’en préoccupe, et elle a raison : toutes les puissances amies de la paix doivent s’en préoccuper aussi ; mais comment faut-il s’y prendre pour raffermir cet empire ? Lorsque les sultans de Constantinople, n’ayant plus la force de régir les vastes provinces qui dépendaient d’eux, ont vu la Moldavie, la Valachie, et plus récemment la Grèce, s’échapper insensiblement de leurs mains, comment s’y est-on pris ? A-t-on, par une décision européenne, appuyée sur des troupes russes et des flottes anglaises, cherché à restituer aux sultans des sujets qui leur échappaient ? Assurément non. On n’a pas essayé l’impossible. On ne leur a pas rendu la possession et l’administration directe des provinces qui se détachaient de l’empire. On ne leur a laissé qu’une suzeraineté presque nominale sur la Valachie et la Moldavie, on les a tout à fait dépossédés de la Grèce. Est-ce par esprit d’injustice ? Non certainement ; mais l’empire des faits, plus fort que les résolutions des cabinets, a empêché de restituer à la Porte, soit la souveraineté directe de la Moldavie et de la Valachie, soit l’administration même indirecte de la Grèce, et la Porte n’a eu de repos que depuis que ce sacrifice a été franchement opéré. Quelle vue a dirigé les cabinets dans ces sacrifices ? C’est de rendre indépendantes, c’est de soustraire à l’ambition de tous les états voisins les portions de l’empire turc qui s’en séparaient. Ne pouvant refaire un grand tout, on a voulu que les parties détachées restassent des états indépendans des empires environnans. »

Ainsi la France n’a jamais caché ni déguisé sa politique en Orient. Elle veut pour l’Orient un avenir indépendant, elle ne refuse pas que cet avenir soit turc, si cela est possible ; elle espère qu’il sera chrétien.

Je n’ai plus qu’une seule réflexion à faire. Voilà vingt-deux ans que le traité du 15 juillet 1840 a été fait : qu’en reste-t-il ? Si l’Angleterre veut faire franchement sa liquidation à ce sujet, je ne crois pas qu’elle puisse beaucoup s’en féliciter. Elle voulait en 1840 affaiblir l’Égypte pour fortifier la Turquie. A-t-elle atteint ce but ? Lord Palmerston, en 1840, a procuré un grand déboire à la France, cela a été son plaisir et sa gloire du moment ; mais, tout en estimant ce plaisir et cette gloire aussi haut que l’a fait lord Palmerston, qu’en est-il resté à l’Angleterre ? A-t-elle restauré l’empire ottoman ? l’a-t-elle