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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/299

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dans la Revue avec un esprit de sage libéralisme auquel nous nous plaisons à nous associer, nous qui n’avons cessé de réclamer la réforme de notre législation commerciale dans le sens de la liberté[1] ; mais, quel que soit le nombre des personnes convaincues que l’action du gouvernement est suffisante pour accomplir le bien, nous persistons à croire que les mesures les plus salutaires gagnent en autorité lorsque le pays leur prête directement son concours. Nous savons toutes les facilités que donne la théorie contraire ; nous savons qu’elle rend promptes les résolutions, et aussi prompte l’exécution des projets arrêtés, qu’elle supprime les contestations, qu’elle franchit les obstacles d’une longue et minutieuse délibération. Elle s’appuie sur tous les raisonnemens que d’habitude on fait valoir en faveur de la concentration des pouvoirs, de la simplification des formes législatives, de la limitation de la discussion, pour assurer la liberté et la spontanéité de l’action exécutive. Sans engager une controverse superflue sur un pareil sujet, sans faire ressortir les inconvéniens qui contre-balancent les avantages d’un tel système, nous nous bornerons à faire remarquer qu’il a le tort de mettre en suspicion l’intelligence du pays et de favoriser son éloignement des affaires publiques.

Il ne faut pas l’oublier en effet, l’enquête est une institution des peuples qui se gouvernent ; c’est une des formes de la discussion publique concentrée sur un objet déterminé. La procédure qui la met en œuvre n’est donc point indifférente ; elle risquerait d’être faussée dans la pratique, si certaines conditions n’en assuraient pas l’indépendance, et si le gouvernement, par son influence, pouvait l’amener à donner un résultat conforme à des vues qu’il aurait conçues a priori. Sous ce rapport, nous ne jouissons pas en France de toutes les garanties désirables. Par l’effet d’une tendance, qui nous est naturelle, de réserver un rôle prépondérant au gouvernement, même lorsqu’il s’agit d’une manifestation d’opinion, aujourd’hui comme en 1834, c’est le conseil supérieur du commerce qui dirige les enquêtes relatives à notre régime économique. C’est lui qui fixe l’ordre des questions, qui interroge les déposans, qui recueille les renseignemens et prend des conclusions. Le conseil supérieur est un corps composé d’hommes éminens par les fonctions qu’ils remplissent dans l’état, par leur expérience et par leurs lumières ; mais il est nommé par le souverain, et le nombre de ses membres n’est pas limité[2]. Il dépend donc du gouvernement d’y

  1. Voyez une étude de M. Léonce de Lavergne sur le Programme de la Paix, — Revue du 15 février 1860.
  2. Le conseil supérieur du commerce en France est aujourd’hui ainsi composé : MM. Rouher, ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, président ;