Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

subit avec peine sa domination. Les derniers Bourbons avaient une armée de plus de cent mille hommes, à l’aide desquels ils maintenaient assez malaisément la tranquillité dans leur royaume ; la garnison spéciale de Naples était de douze mille à quatorze mille hommes, sans compter les Suisses. Chacun sait que trois forteresses, — le Château-Neuf, le Château-de-l’OEuf, le fort Saint-Elme, dominant et commandant la ville, — étaient toujours prêtes à réprimer le plus léger mouvement insurrectionnel. Aujourd’hui, sous le gouvernement nouveau et malgré l’augmentation d’effectif qu’a nécessitée le brigandage, les troupes répandues dans tout l’ancien royaume ne s’élèvent pas à plus de soixante mille hommes, y compris les carabiniers (la gendarmerie). La garnison de Naples se compose de huit mille hommes, parmi lesquels il faut compter trois mille Napolitains de l’ancienne armée bourbonnienne, appartenant presque exclusivement aux corps de l’artillerie et de la cavalerie. En outre on démolit actuellement le Château-Neuf, c’est-à-dire la forteresse qui pouvait, par sa force et sa position, réduire la ville en quelques heures.

Si le clergé n’a point cherché à user de son influence pour neutraliser la perception des impôts et pour paralyser les opérations de la conscription, il n’a point été aussi calme en présence de la liberté des cultes. dès qu’il a vu les protestans, profitant de la tolérance nouvelle, se réunir entre eux, il s’est inquiété, et est allé demander à l’autorité de mettre un terme à de tels scandales. L’autorité a montré la loi, qui est positive, et tout a été dit. Les protestans, malgré leur petit nombre primitif, malgré les moyens plus que restreints dont ils disposent, se sont mis courageusement à l’œuvre, dès qu’ils se sont sentis libres, avec plus de résolution que d’espoir ; car s’il était naturel de prévoir que Florence, la vieille ennemie de Rome, sa rivale perpétuelle, qui se faisait volontiers gibeline en haine des guelfes, accepterait promptement les prédications de l’église réformée et s’ouvrirait pour recevoir les vaudois du Piémont, on pouvait croire que Naples, païenne, iconolâtre, superstitieuse, habituée à subir les jougs sans les raisonner, se révolterait contre la doctrine un peu aride du protestantisme. C’était une erreur. Le dogme du libre examen séduisit des l’abord les Napolitains, qui sont de leur nature portés aux discussions et aux contemplations philosophiques. C’est toujours le pays de Vico. Sous le gouvernement des Bourbons, le protestantisme était sévèrement interdit dans les états des Deux-Siciles. Les étrangers appartenant à la confession d’Augsbourg ne purent jamais obtenir l’autorisation de faire élever un temple, même à leurs frais, et ils étaient réduits à aller entendre la parole des pasteurs dans les chapelles particulières des légations de Prusse et d’Angleterre. La possession ou l’introduction d’une bible protestante était punie des galères à perpétuité. Si un Napolitain, poussé par la