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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/393

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charge possible, mais à une vitesse très réduite. En Angleterre, les trains de marchandises sont beaucoup moins chargés qu’en France, et ils vont beaucoup moins lentement. Avec ce second système disparaît ou du moins s’affaiblit notablement la nécessité d’avoir pour les marchandises ces appareils spéciaux doués d’une extrême puissance, la condition d’une marche ralentie, qui ont tant occupé et qui occupent tant l’esprit des ingénieurs français. On ne se met guère en peine, non plus chez nos voisins d’intéresser le mécanicien à la machine qu’il conduit, en tâchant de la lui faire regarder comme sa chose propre. Aussi voyez dans les locomotives anglaises la place qu’occupent les organes du mouvement : concentrés en dedans des roues, ils sont d’un accès difficile ; la conséquence, c’est qu’à tout moment et en face du moindre embarras il est nécessaire de ramener la machine à l’atelier. En France, c’est tout l’opposé : on veut que le mécanicien soit le plus possible en communication avec sa locomotive, qu’il puisse aisément la visiter et l’entretenir. Que fait-on ? On plaça les organes en dehors, sur les côtés de la chaudière, c’est-à-dire tout à fait à la portée de la main de l’homme. Qu’on nous permette cette comparaison : chez nos voisins, le mécanicien ressemble à un cocher qui se borne à conduire ses chevaux, et qui, une fois la course faite, ne les connaît plus guère ; chez nous, c’est un cocher qui soigne lui-même les siens, et à qui on ne les enlève qu’en cas de véritable maladie.

Ces réflexions, qui rendent suffisamment compte des dissidences signalées, l’examen de l’exposition les confirme pour la plupart. Les trois locomotives envoyées de France, l’une pour les marchandises par la maison Gail, l’autre pour les voyageurs par la compagnie d’Orléans, la troisième pour les marchandises par la compagnie du Nord, témoignent notamment, et en signes plus ou moins saillans, combien l’esprit de recherche, combien le désir des innovations est plus vif chez nos constructeurs que chez les constructeurs d’outre-Manche. La première de ces machines, munie d’un mécanisme spécial pour faciliter le passage des courbes et dotée de diverses améliorations secondaires, est digne d’un établissement qui n’a construit guère moins d’un millier de locomotives, et qui se montre jaloux de se tenir au niveau de tous les progrès. Dans la seconde, on s’est appliqué d’une façon non moins systématique à mettre en œuvre toutes les inventions récentes concernant telle ou telle partie de l’appareil. La machine de la compagnie d’Orléans est pourvue d’un foyer qui permet la substitution de la houille au coke, et dont l’usage semble présenter toutes les garanties du succès. On sait d’ailleurs que cette substitution, source de notables économies, a donné lieu à des essais nombreux soit en France, soit au dehors, et qu’elle a pour condition l’établissement d’appareils fumivores suffisamment