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n’avait pas beaucoup fait pour l’Italie. Il espérait davantage du régime nouveau. À vrai dire, la fameuse maxime : « L’empire, c’est la paix, » malgré son succès en France et en Europe, ne lui en imposa jamais beaucoup. Il avait l’étrangeté (c’en était une à cette époque) de ne pas croire que la restauration napoléonienne ouvrirait partout l’ère de la concorde générale et du désarmement universel. Néanmoins la guerre qu’il prévoyait et qu’il souhaitait, qu’il jugeait inévitable pour le chef de la nouvelle dynastie française, pourrait-il persuader à ce souverain de l’entreprendre tout d’abord et au profit de l’Italie ? Il se rappelait que le frère aîné de l’empereur avait pris part à l’insurrection des Légations en 1831, il savait que les patriotes italiens se vantaient à tort ou à raison de pouvoir compter sur d’anciens engagemens solennellement jurés ; mais les signes du temps n’étaient pas au début très favorables.

On en était encore en France en 1852 à la phase des protestations anti-belliqueuses, des tendresses recherchées et des attentions délicates pour les souverains absolus du continent. M. de Cavour n’en fit pas moins parvenir aux Tuileries, par quelques tiers obscurs, des ouvertures secrètes qui n’avaient pas alors grande chance d’être bien accueillies ; il n’en résolut pas moins de se mettre tout de suite en règle avec le maître tout-puissant de la France. Nombre de réfugiés d’opinions diverses avaient, après le coup d’état, cherché un asile dans les états limitrophes ; quelques-uns avaient d’eux-mêmes quitté leur pays, afin de continuer au dehors une lutte désormais impossible au dedans. M. de Cavour, comme c’était son droit, prit ses mesures pour qu’il fût impossible à ces adversaires du nouveau gouvernement français de venir compromettre le Piémont dans une querelle qui n’était pas la sienne[1]. Les peines édictées par la loi organique piémontaise pour réprimer les délits commis par la voie de la presse contre les souverains et les gouvernemens étrangers n’ayant pas semblé assez sévères à M. de Cavour, il ne craignit pas d’en provoquer l’aggravation. C’était là une précaution toute diplomatique, à vrai dire. Au dedans ni au dehors de l’Italie, personne ne s’y trompa. Le discours par lequel le ministre piémontais défendit son projet fut à dessein sans doute l’un des plus libéraux qu’il ait prononcés. Jamais on ne l’avait entendu affirmer et soutenir d’une façon plus précise, pour ce qui touchait à l’intérieur, la liberté illimitée de la presse comme la sauvegarde et la garantie nécessaire de toutes les autres libertés, et, chose remarquable, cette loi de répression, commandée par les circonstances, fournit l’occasion

  1. Nous savons pertinemment que les auteurs du Bulletin français, poursuivis, mais acquittés à Bruxelles, si l’idée leur fût venue de s’établir à Turin pour continuer leur opposition, y auraient été difficilement soufferts.