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et précisément par suite de cette catastrophe, noblement supportée par la maison de Savoie, fait de rapides progrès en Italie. Par un tact également supérieur, il pensait, et suivant nous avec grande raison, qu’une cause en progrès ne doit pas être méfiante, qu’il lui profite d’ouvrir largement ses rangs, et que les alliances qu’elle contracte deviennent aisément des conquêtes. Il ne redoutait donc en aucune façon d’avoir à ses côtés, dans sa croisade contre l’Autriche ce qu’en France on appelle communément les révolutionnaires. Révolutionnaires, c’est bientôt dit ; mais ce mot d’acception si élastique reçoit bien des sens selon les temps, selon les circonstances et surtout selon les pays. À prendre les révolutionnaires italiens de 1849 et surtout de 1859 pour des révolutionnaires français d’autrefois ou même pour ceux de nos jours, on risquerait de se beaucoup tromper. Ces dates et les rapprochemens qu’elles font naître, l’habitude de juger en gros et par analogie, pour tout dire aussi, la nature des alliés et des adversaires que la cause italienne a rencontrés dans notre presse française, ont amené au détriment de l’Italie de regrettables confusions. Pour s’être produites après février, les insurrections italiennes de 1848 ont fait à tout un monde froissé par l’avènement de la république l’effet de procéder directement du mouvement qui a renversé chez nous le trône constitutionnel du roi Louis-Philippe. Parce qu’elle a été patronée par un souverain armé d’un pouvoir absolu, la levée de boucliers de 1859 a paru exclusivement militaire, violente et antilibérale. Cette résurrection inattendue de la nationalité italienne a justement inquiété la diplomatie. Les trois cabinets qui ont la prétention de se donner sur le continent pour les représentans du vieil équilibre européen, quoiqu’en réalité ils l’aient les premiers violé en se partageant la Pologne, se sont crus revenus à l’époque où le directoire français se ruait par ambition sur la Lombardie et la Vénétie. Que de scandales, et quels dangers !

Au fond, et malgré quelques apparences suffisantes, il est vrai, pour égarer des esprits superficiels ou prévenus, rien de plus faux que ces rapprochemens entre des époques et des situations si différentes. Par entraînement de parti (les esprits les plus distingués s’en défendent mal), par plaisir de conversation dans un salon, par nécessité de polémique dans les journaux, on peut s’y laisser aller un moment : ils n’ont pourtant rien de sérieux. Un observateur éclairé ayant quelque connaissance de l’Italie et du caractère italien, — moins encore, le premier voyageur venu qui aura seulement traversé les Alpes et regardé de bonne foi le spectacle offert à ses yeux, — rapportera une impression tout opposée. Il aura vite découvert que tout ce mouvement italien, dont il sera l’heureux témoin, s’inspire