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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/519

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quand elle l’a rendu, elle a pris plaisir à louer votre personne. Je confie ceci, monseigneur, à votre plus soigneuse discrétion; le roi votre père, mylord-duc de Buckingham et mylord de Carlisle doivent seuls le tenir de vous. J’aimerais mieux mille fois mourir que de savoir ceci répandu dans le public, et de trahir la confiance de cette jeune dame qui, pour la beauté et la bonté, est vraiment un ange. »

Pendant que lord Kensington faisait ainsi à Paris son office de galant et prévoyant courtisan, l’ambassadeur de France à Londres, le comte de Tillières, entrait dans la négociation avec quelque humeur, à la suite d’un incident désagréable pour lui. Le moine qui, le premier, avait remis Marie de Médicis et le cardinal de Richelieu en mouvement pour ce mariage vint un jour trouver M. de Tillières, lui apportant un assez gros paquet adressé à Mme de Malissy, et le priant de l’envoyer à la cour de France par une voie sûre, « parce qu’il y avait dedans des affaires de conséquence. » M. de Tillières, qui n’était instruit de rien, répondit qu’il n’avait pas coutume d’envoyer des paquets avec les siens sans savoir ce qu’ils contenaient. Le moine, charmé de se faire valoir, raconta à l’ambassadeur ce qui s’était passé entre la reine-mère, le cardinal de Richelieu, Mme de Malissy et lui. M. de Tillières, d’un caractère digne et susceptible, fut surpris et blessé; il dit au moine qu’il n’enverrait point son paquet avec le sien, et il écrivit sur-le-champ au roi lui-même, lui représentant « combien c’était rabaisser l’honneur de la France et une affaire de cette importance que d’en remettre la conduite à un chétif moine, » et se plaignant de l’ignorance où on l’avait laissé. Louis XIII, touché de sa plainte, en parla à sa mère, et bientôt n’y pensa plus; mais Marie de Médicis, piquée à son tour et prompte à se défendre par une dénégation formelle, écrivit au comte de Tillières : « Je ne puis que je ne vous dire que je m’étonne infiniment de votre crédulité. Je n’ai donné aucune charge au religieux que vous me nommez, ni à aucuns autres, de traiter du mariage de ma fille en Angleterre. Je n’en ai eu ni le pouvoir du roi, monsieur mon fils, ni l’intention... Le religieux me fit des recommandations du sieur marquis de Buckingham, et me témoigna qu’il désirait grandement que son maître prît l’alliance de France. Je sais répondre comme il faut à ceux qui me parlent. Vous le connaîtrez si, en louant le zèle avec lequel vous me serviez, je vous prie de faire, à l’avenir, de ma conduite le jugement qu’elle mérite... Je me persuade que vous marcherez une autre fois plus retenu en telles affaires, et veux croire que, suivant les assurances que vous me donnez par vos dernières, qui m’ont encore été confirmées ici par vos proches, vous n’avez pas péché en cette rencontre par mauvaise intention. Aussi devez-vous attendre de moi tout témoignage de ma bonne volonté. »

Je présume que le comte de Tillières ne se confia pas pleinement