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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/526

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contre le mariage projeté; l’archevêque de Lyon, M. de Marquemont, écrivit le 3 juin de Rome à M. d’Herbault, secrétaire d’état pour les affaires d’Italie : « Le pape m’a dit, mais que je l’écrive comme l’ayant appris de bon lieu et non pas de lui, qu’on est en appréhension que les Anglais, par le mariage, ne s’efforcent d’engager en quelque résolution, touchant l’électorat et le Palatinat, qui porte préjudice au duc de Bavière, et qu’il serait peu honorable au roi et à la France d’acheter l’alliance d’Angleterre à condition de reconquérir un état pour le gendre du roi de la Grande-Bretagne et en déchasser un prince grand catholique... Il est à désirer que sa majesté ne s’engage point à de nouvelles confédérations avec ceux du parti contraire, mais que plutôt elle ménage ses intérêts avec les catholiques. » Le nonce du pape à Paris, Mgr Spada, apporta à Louis XIII et à Marie de Médicis deux brefs d’Urbain VIII pleins de représentations à ce sujet; il alla même jusqu’à dire que, si le roi de France voulait renoncer au mariage anglais, le roi d’Espagne demanderait volontiers la main de Madame Henriette pour l’infant don Carlos, son frère, à qui il assurerait, en faveur de cette union, la souveraineté des Pays-Bas catholiques après la mort de l’infante Isabelle. Marie de Médicis ne se laissa point prendre à ces offres, et Louis XIII se contenta de répondre : « Mon zèle pour la religion catholique n’est pas moindre que celui du roi d’Espagne. C’est la seule chose qui retarde le mariage de ma sœur. »

Richelieu était de ceux que les obstacles excitent au lieu de les intimider, et qui, dès qu’ils les ont reconnus, se mettent à l’œuvre pour les surmonter. Il voulait surtout avoir, en toute occasion, des agens sûrs et efficaces. L’ambassadeur de France à Londres, le comte de Tillières, avait été et restait, en galant homme, l’ami des ministres déchus, le chancelier de Sillery et le marquis de Puisieux. Richelieu le trouvait d’ailleurs peu actif, susceptible, et plus disposé à critiquer ses chefs qu’à les seconder. On le croyait même, en Angleterre, peu favorable au mariage anglo-français, et trop attaché aux jésuites pour servir avec zèle un ministre qui recherchait les alliances protestantes. Le comte de Tillières fut rappelé et remplacé par le marquis d’Effiat, que protégeait le surintendant des finances La Vieuville, mais dont Richelieu savait bien qu’il aurait à son tour le dévouement. La Vieuville lui-même, qui commençait à redouter et à combattre l’ascendant croissant de Richelieu, fut écarté avec disgrâce au moment où il s’y attendait le moins, et remplacé, comme surintendant des finances, par M. de Marillac. Richelieu fit rentrer en même temps au conseil le comte de Schomberg, habile et vaillant guerrier, jadis l’ami des adversaires du cardinal, mais que le cardinal se promettait d’acquérir, et qu’il acquit en effet, en lui faisant donner le bâton de maréchal. Le commandeur de Sillery, frère