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de ne pas s’exposer à ce qu’un jugement prononce qu’il n’a pas le droit de faire des actes d’administration intérieure. Il ne peut pas plus transiger là-dessus qu’un particulier ne peut renoncer à des droits qui sont d’ordre public, comme la puissance maritale ou paternelle. Et au point de vue du droit un jugement qui porterait atteinte à l’indépendance administrative des principautés serait nul. Il devrait donc être entendu que l’arbitrage porterait seulement sur la fixation de la somme qui doit revenir aux saints lieux, en réservant au gouvernement local le droit de retirer aux moines étrangers l’administration des monastères indigènes dédiés. Tel paraît être d’ailleurs le sens du treizième protocole. En effet, si les cabinets garans avaient eu l’intention de porter sur ce point une grave atteinte à l’autonomie des principautés, ils en auraient fait mention dans la convention où ils ont eu soin d’insérer toutes les dispositions ayant pour objet de limiter cette autonomie. L’insertion incidente de cette mention dans un simple protocole indique bien que les puissances européennes ont voulu seulement, sans rien changer à l’économie générale de la convention, faciliter la solution d’une question d’intérêt privé qui, sans cette clause, devrait être portée devant les tribunaux du pays.

Il n’en est pas moins désirable que les parties puissent s’entendre pour un arrangement à l’amiable, car la solution, en quelque sorte judiciaire, indiquée par la conférence ne laisse pas que de présenter aussi des difficultés. Ainsi les députés roumains ont soutenu d’un vote unanime une motion portant que la question ne sera résolue qu’avec le consentement du pouvoir législatif.

Tels sont les élémens de la question des monastères dédiés dans les principautés roumaines. Depuis 1821, les Grecs de Constantinople ont cessé d’exercer leur prépondérance dans les principautés; mais, en se retirant, ils ont laissé derrière eux cette cause de discussions acharnées qui entretient une animosité regrettable à tous les égards entre deux parties si intéressantes de la chrétienté d’Orient. Les moines grecs envoyés dans les principautés y sont en butte à toute sorte de tracasseries, et certainement les saints lieux ne retirent pas de la situation actuelle autant d’avantage que les principautés n’en reçoivent de préjudice. Le statu quo est nuisible à tout le monde. L’adoption d’un moyen terme ne ferait qu’en perpétuer les inconvéniens. Aussi l’on doit faire des vœux pour qu’une solution définitive de l’affaire des monastères dédiés vienne débarrasser la grande question d’Orient de cette complication irritante et stérile.


A. D’AVRIL.


MADAGASCAR ET LE ROI RADAMA II.

L’attention se porte de nouveau sur Madagascar. La reine Ranavalo est morte le 15 août 1861. Pendant plus de trente ans, cette femme énergique avait comprimé sous sa main de fer toutes les races de l’île; elle avait tenu les étrangers à distance, repoussé l’intervention de la France et de l’Angleterre et mis à néant les tentatives de la propagande chrétienne. Dans les dernières années de ce règne de terreur, quelques symptômes indiquaient que la patience des populations était à bout : les complots entouraient le