Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/829

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

viter les lenteurs d’un siège, le général Mac-Clellan avait songé aux moyens de tourner la position. L’ennemi tenait le James-River avec le Merrimac et ses canonnières ; il fermait le York-River avec les batteries de York-Town et de Gloucester, petite bourgade placée sur l’autre rive. On pouvait toutefois, par un débarquement dans la Severn, au-delà de Gloucester, emporter cette dernière position et rendre plus praticable l’entrée des canonnières fédérales dans le York-River. Remontant ensuite la rive gauche dans la direction de West-Point, on s’avançait si loin sur les derrières de l’armée chargée de la défense des lignes d’York-Town qu’elle aurait été dans une situation des plus périlleuses. Elle n’aurait pas attendu ce péril, et, aussitôt Gloucester au pouvoir des fédéraux, elle se fût en toute hâte repliée sur Richmond. L’exécution de ce coup de main avait été laissée à un des corps de l’armée du Potomac commandé par Mac-Dowell. Ce corps avait dû s’embarquer le dernier de tous à Washington, et on avait calculé qu’il arriverait en masse, à bord de ses transports, devant York-Town au moment où le reste de l’armée, venant de Fort-Monroë, y paraîtrait par terre.

Au lieu de l’y trouver, on trouva l’avis inexplicable et inexpliqué que ce corps, fort de 35,000 hommes, avait reçu une autre destination. La nouvelle fut accueillie avec stupeur dans l’armée, bien que le plus grand nombre ne prévît pas alors les suites déplorables d’un acte accompli sans mauvaise intention, il faut le croire, mais avec une inconcevable légèreté. Quinze jours plus tôt, cette mesure, toujours funeste, l’aurait été beaucoup moins ; on se serait arrangé en conséquence. À ce moment, c’était le rouage principal qui manquait au milieu d’une opération commencée : elle en fut entièrement dérangée.

Parmi les divisions du corps de Mac-Dowell ainsi enlevées au général Mac-Clellan, il s’en trouvait une, celle de Franklin, plus regrettable que toutes les autres, tant à cause des soldats qu’à cause de ceux qui les commandaient. Le général en chef avait particulièrement surveillé son organisation pendant l’hiver, il y tenait beaucoup, il la réclama vivement. On la lui rendit sans motif, sans lui dire pourquoi, comme on la lui avait retirée. Cette belle division, forte de 11,000 hommes, arriva, et il fut un moment question de lui faire exécuter à elle seule le coup de main de Gloucester, mais on y renonça. On en vint alors à se dire qu’il était impossible que ce retranchement, de sept milles de longueur, ne fût pas abordable quelque part. Si on réussissait à le forcer, il arriverait sans doute ce qui arrive toujours en pareil cas : l’ennemi aux deux extrémités se croirait tourné, se démoraliserait, et, si l’on continuait à verser rapidement par l’ouverture pratiquée des forces de plus en plus considérables, on infligerait probablement à cette armée coupée en deux