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ne tenait la campagne dans ces parages. Leur séjour dans cette ville était si notoirement inutile à la cause fédérale, que c’était un sujet de raillerie dans les journaux confédérés, où l’on appelait ce corps d’armée la cinquième roue à un carrosse. On savait en même temps dans l’armée du Potomac que le général Mac-Dowell désirait ardemment donner un démenti à ces railleries, en venant, au moment décisif, apporter à la cause de l’Union un concours qui eût été la victoire. Aussi, lorsqu’il arriva devant Richmond, la première pensée du général Mac-Clellan fut-elle de chercher à quoi s’en tenir sur ce qu’il devait attendre de ce côté. Aucun avis officiel soit de Washington, soit de Mac-Dowell lui-même, n’avait informé Mac-Clellan de la présence de celui-ci à Fredericksburg, bien qu’une vingtaine de lieues les séparât seulement l’un de l’autre ; mais le bruit public mettait une telle persistance à représenter Mac-Dowell comme se portant au-devant de l’armée fédérale, et ce mouvement était si évidemment commandé par les circonstances, que le général en chef se décida à faire une tentative pour établir avec lui ses communications.

Il fit partir dans la nuit du 26 au 27, par un orage affreux, le général Porter avec une division d’infanterie et quelques escadrons de cavalerie pour Hanover-Court-House, village situé à vingt milles environ au nord de Richmond, là où le chemin de fer qui vient de Fredericksburg traverse le Pamunkey. Les troupes de Porter marchèrent rapidement, et vers le milieu du jour arrivèrent auprès de Hanover-Court-House, qu’elles trouvèrent gardé par la division ennemie du général Branch. Elles l’attaquèrent vivement, la culbutèrent en lui enlevant un canon. Assaillies en queue à leur tour par des troupes confédérées, qui, cachées dans les bois, les avaient laissées passer à dessein, elles revinrent sur elles et les dispersèrent. Ce combat brillant, qui ne coûta aux fédéraux que 400 hommes, laissa entre les mains du général Porter un canon, 500 prisonniers et les ponts, non-seulement celui du chemin de fer de Fredericksburg, mais aussi celui de Gordonsville. Les avant-postes de Mac-Dowell étaient auprès de Bowlinggreen, à quinze milles de ceux de Porter. Il n’eût fallu que le vouloir, les deux armées se réunissaient alors, et la possession de Richmond était assurée. Hélas ! on ne le voulut pas. Je ne puis penser à ces funestes momens sans un véritable serrement de cœur. Assis à l’ombre d’un verger, au bivac de la division Porter, au milieu de la joyeuse excitation qui suit un combat heureux, je voyais des cavaliers du 5e régiment ramener prisonnières des compagnies entières de confédérés avec armes et bagages, leurs officiers en tête ; mais ni cette confiance du triomphe parmi les fédéraux ni l’abattement de l’ennemi ne me faisaient illu-