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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/204

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églises et les écoles ; enfin on a tyrannisé les particuliers et les familles en maintenant des ordonnances vexatoires sur l’emploi réciproque des idiomes danois et allemand. « Le moyen de couper court à ces maux est que le roi de Danemark proclame l’entière autonomie du duché danois de Slesvig, de telle sorte que la diète locale délibère et décide elle-même sur toutes les questions concernant l’université, les écoles populaires, les églises, et sur l’emploi des deux langues dans les différens districts. » Si l’on ajoute le projet, peu pratique sans doute, d’un budget normal de la monarchie qui serait voté pour dix ans, les deux dépêches de lord Russell se réduisent aux deux propositions que nous venons d’indiquer. Il les présente avec confiance à l’Europe, persuadé qu’elles contiennent la solution du long débat entre le Danemark et l’Allemagne.

La Prusse et l’Autriche n’en demandaient pas tant, ouvertement du moins. La lecture des dépêches anglaises les a charmées ; elles ont adressé immédiatement à l’auteur, qui les leur avait communiquées, de sincères félicitations, en déclarant qu’elles acceptaient le débat ramené à ces termes. La Russie elle-même, il faut le dire, s’est adjointe à ces démonstrations. Le gouvernement français, assure-t-on, a recommandé la prise en considération. Quant à la Suède, si fort intéressée au débat et signataire des traités de 1815, lord Russell ne lui a donné communication d’aucune de ses deux dépêches. Nous dirons bientôt quelles dignes paroles M. le comte Manderström a envoyées à Londres à ce sujet.

Aurons-nous grand’peine, quant à nous, à démontrer que la proposition de lord Russell est inexécutable, aussi longtemps du moins qu’il y aura un royaume indépendant de Danemark sur la carte d’Europe, et que les argumens sur lesquels il se fonde ne sont rien moins que ceux du slesvig-holsteinisme. Était-ce donc la peine de faire une guerre en 1848 et 1849 et de négocier pendant plus de dix ans pour en revenir absolument au même point et démentir tout ce que l’Angleterre elle-même avait fait dans cette épineuse carrière ? — Nous savons gré du moins à lord Russell d’avoir resserré le champ du débat. Le gouvernement danois y a beaucoup contribué en détachant le plus complètement possible le Holstein et le Lauenbourg du reste de la monarchie : il a suspendu pour ces deux duchés la constitution commune ; il leur donne aujourd’hui un gouvernement à part ; il accorde de ce côté tout ce qu’on demande. Voici d’autre part le cabinet anglais qui ne parle plus que du Slesvig ; lord Russell, pressé apparemment par ce désir d’en finir avec les plus longues affaires et par ce besoin de clarté qui se font obéir autre part qu’à Francfort, exprime avec une sincérité naïve ce que les démocrates allemands n’osaient pas dire. Prenons-les au mot dans la joie qui leur échappe : ce que lord Russell propose est bien le