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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/225

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ses comptoirs les plus éloignés, étaient encombrés d’étoffes de coton. La consommation n’avait pas suivi la production ; la guerre avec la Chine, la famine dans l’Inde, l’état d’instabilité des affaires en Europe, avaient causé une diminution considérable dans la demande, tandis que la production, loin de se ralentir, augmentait tous les jours. Au dire des esprits les plus sérieux, une crise commerciale devenait imminente par la dépréciation des articles manufacturés coïncidant avec l’abondance du coton brut. La rareté de cette matière première, qui est venue mettre un frein à la production, n’a donc point exercé une influence aussi fâcheuse qu’on pouvait le croire. Au lieu d’une dépréciation qui paraissait inévitable, on a vu le prix des articles manufacturés augmenter progressivement et s’élever à un chiffre qu’il n’avait pas atteint depuis cinquante ans. D’énormes fortunes se sont réalisées à Liverpool et à Manchester par suite de la rareté soudaine du coton. Des étoffes expédiées peu auparavant dans l’Amérique du Sud, et qui ne pouvaient être vendues, même avec perte, sont revenues en Angleterre, et ont presque doublé de prix. Tout détenteur de coton, fils ou tissus, a vu son actif doublé en peu de temps.

Qu’a-t-on fait cependant pour s’assurer de nouvelles sources de production ? Il est bien connu que l’Inde produit une grande quantité de coton qui est consommée dans le pays même. Ce n’est pas d’aujourd’hui seulement que l’attention a été attirée sur l’approvisionnement de coton que l’Europe pourrait retirer de l’Inde ; mais l’emploi du coton indien n’a jamais été que très limité. Le coton qui croît dans l’Inde est en réalité inférieur au coton qui est cultivé en Amérique ; la fibre en est plus courte, et les machines employées jusqu’à présent ne pouvaient le filer avec avantage. Un autre défaut du coton de l’Inde, le plus grand, celui qui l’a tenu éloigné du marché régulier de Liverpool, c’est son impureté et le manque de soins dans l’empaquetage, le triage, etc. La manière de récolter le coton a une influence considérable sur la qualité du produit et sur le prix auquel il peut être vendu. En Amérique, la récolte commence aussitôt que quelques graines sont mûres et se continue tous les jours, ou à de courts intervalles, jusqu’au moment où toutes les graines ont mûri. Dans l’Inde et dans d’autres contrées, cette opération, d’une grande importance, n’est pas exécutée avec les mêmes soins ; les flocons plus ou moins mûrs y sont cueillis en même temps. Le système de culture des planteurs américains explique mieux que toute autre cause la préférence qu’accordent à leurs cotons les manufactures européennes, Heureusement les procédés américains ne peuvent manquer d’être adoptés dans l’Inde.

Il ne faut pas oublier à ce propos les efforts faits par une société