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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/353

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cette confiance, c’est que cette opération, présentant l’idée d’un cadastre fait volontairement et sans frais entre les propriétaires, sans aucune intervention d’autorité, semble entrer absolument dans les vues et dans les principes de la nouvelle forme d’administration que le roi donne à son royaume. » Dès les premières séances, M. Schwendt, membre du tiers-état, lut un mémoire long et détaillé sur les impositions perçues en Alsace, où se trouvait le passage suivant : « Les prérogatives attachées à la naissance, à l’état, au caractère civil, aux charges et emplois, à l’existence politique et aux privilèges, sont innombrables dans cette province et présentent un tableau d’exemption peut-être unique. Les princes étrangers possessionnés en Alsace, les ordres de Malte et teutonique, jouissent de l’exemption de toute contribution personnelle et réelle ; la noblesse et le clergé sont affranchis de toute imposition autre que les vingtièmes, la capitation, le remboursement et les gages du conseil souverain. Les biens des officiers du conseil souverain, ceux des officiers de chancellerie, ne sont cotisés qu’à la portion colonique quand ils sont affermés, et, quand ils sont exploités par les propriétaires, exempts de la subvention pour trois charrues. Les bourgeois de la ville de Strasbourg ou leurs descendans possédant ces mêmes biens non imposés lors de la capitulation sont exempts. Vous jugerez par cette énumération succincte du nombre étonnant d’exemptions que renferme cette province. Tant de privilégiés doivent aggraver les charges des contribuables ordinaires, et s’il n’est pas possible de les diminuer, ayons du moins les yeux sur les abus qui peuvent en résulter. »

Pour remédier, disait-on, à ces abus, et en réalité pour préparer le moment où tous les propriétaires contribueraient dans la proportion de leur fortune, le bureau des impositions proposa l’exécution d’un cadastre où toutes les propriétés devaient figurer sans exception. « Il sera nécessaire, dit-il, de solliciter un arrêt du conseil d’état pour être sûr de n’avoir aucune résistance ou aucun refus à craindre, de la part surtout des grands propriétaires qui, à raison de leurs privilèges, pourraient faire naître des obstacles à ces opérations. Vous aurez à y comprendre les princes étrangers, qui, jusqu’à présent, n’ont voulu partager avec vous aucune charge de l’état, et d’autres privilégiés imposés jusqu’à présent sur des rôles particuliers. C’est à l’autorité souveraine qu’il faut demander la facilité de former ce tableau de proportion, que plusieurs administrateurs ont tenté en vain d’établir. Nous en ayons la preuve sous les yeux : M. de La Galaisière, guidé par l’intérêt général, a éprouvé des refus et de la résistance ; c’est à quoi il faut obvier. » Les privilégiés comprirent parfaitement où l’on voulait en venir, et dans la séance du 3 décembre 1787 l’évêque de Dora, produisant une procuration du