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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/566

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charbon furent créés, tous les moyens de célérité que donne l’emploi intelligent des machines furent réunis autour de ces dépôts : chemins de fer, wagons, warfs, chalands, bateaux remorqueurs. Trois cents tonneaux de charbon, à flot sur ces chalands, permettaient d’embarquer cinq cents tonneaux en vingt-quatre heures, — time is money, — et tous les navires à vapeur du monde, paquebots du Brésil, de la Plata, de l’Afrique australe, bâtimens de guerre destinés à doubler les caps, accoururent au rendez-vous qui leur était assigné. La prospérité de Saint-Vincent était créée, la fortune de l’audacieux fondateur assurée pour toujours.

À trois reprises différentes, l’Etoile a paru sur cette rade, qui ne voyait naguère flotter sur ses eaux toujours houleuses que d’humbles goélettes portugaises venues de la Praya, ou quelque navire en détresse. Dans ces trois relâches, et à des saisons différentes, nous avons constaté la même activité, les mêmes mouvemens d’entrée et de sortie. Presque tous les navires de notre expédition de Chine ont relâché à Saint-Vincent, aussi bien que ceux des stations anglaises et américaines. Comment en eût-il été autrement ? Le Weser mit vingt-quatre heures à Saint-Vincent pour embarquer quatre cents tonneaux de charbon, alors que l’Européen, transport identique au Weser, perdait vingt jours sur la rade de Gorée pour faire la même opération. Devant de tels résultats, et en comparant à Saint-Vincent Gorée et Dakar, où tant d’élémens de prospérité et d’avenir sont réunis, dont la rade s’ouvre, elle aussi, sur les principales routes du monde, combien ne doit-on pas regretter que de pareils travaux n’aient pas été accomplis ! combien ne doit-on pas hâter de ses vœux l’heure où ces espérances si légitimes se réaliseront !

Notre séjour à Gorée, le voyage aux îles du Cap-Vert, nous avaient conduits aux premiers jours de l’hivernage de 1860. En rentrant dans le fleuve, nous nous préparâmes aux travaux de cette rude saison. Bien qu’il n’y eût pas, comme l’année précédente, une tour à construire, l’approvisionnement de nos postes au-dessus de Podor exigeait le concours de tous les bateaux à vapeur de la flottille. L’Étoile fit deux voyages consécutifs dans le haut du fleuve avec de lourds et nombreux chalands à la remorque. Le naufrage, à quarante lieues au nord de Saint-Louis, d’un navire de commerce français, nous força de prendre la mer à la veille d’un troisième voyage, dont le but était Bakel. Parti de Sierra-Leone avec un chargement d’arachides, de sésame et de cire, le trois-mâts le Rollon, du port de Rouen, avait heureusement doublé les îles du Cap-Vert ; mais les fièvres avaient jeté l’équipage presque tout entier sur les cadres. Le capitaine, le second, alités, avaient presque perdu connaissance. Une erreur qu’un tel état de choses explique porta le navire sur la