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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/826

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tat naturel de l’humanité, et c’est dans cet état qu’elle a dû être créée. Et cependant quel lamentable tableau nous présentent et le monde et l’histoire ! Partout ignorance, ténèbres, superstitions, crimes de toute nature. Or il ne se peut pas que ce soient là les manifestations du développement normal d’un être raisonnable uni à Dieu. La vue des faits amène donc forcément à conclure que le genre humain s’est détaché de Dieu, qu’il a rompu le naturel et vivifiant commerce qu’il entretenait avec la raison souveraine. Le souvenir de cette chute se retrouve dans les anciennes traditions de tous les peuples ; cette déchéance primitive peut seule expliquer notre condition actuelle.

après avoir essayé d’établir ainsi la nécessité de la perfection originelle et de la catastrophe qui y a mis fin, l’auteur déroule les suites de ce mystérieux événement. Après la chute, la raison humaine n’est pas complètement séparée de la raison divine, sinon elle cesserait d’être ; elle y est seulement unie d’une manière moins intime ; elle est donc affaiblie et jetée dans les sens. Dominée par la nature, elle en déifie tous les élémens et les phénomènes ; elle donne ainsi naissance au polythéisme. De la faiblesse de l’esprit naissent aussi les cultes extérieurs imposés par la loi, les sacrifices, les cérémonies sans nombre. Dans l’antiquité, tout est sensuel, le mosaïsme même ne fait point exception. Dans l’ordre civil, on ne reconnaît à personne de droits naturels. L’esclave est la propriété du citoyen, le citoyen est la propriété de l’état. Le despotisme règne au sein des républiques grecques, et la théocratie domine à Rome comme en Judée. L’égalité des hommes est niée même par la philosophie : la vraie liberté est inconnue partout. De magnifiques tableaux de la civilisation nouvelle font opposition à cette sombre peinture des temps antiques. Le système théocratique tombe en ruine. Aux cultes sensuels extérieurs et imposés a succédé l’adoration en esprit et en vérité d’un Dieu de justice et de sainteté. L’homme n’est pas possédé par l’état ; c’est au contraire le pouvoir qui émane du citoyen, et l’institution politique n’a d’autre but que de protéger les droits de tous et d’assurer le libre développement de toutes les facultés. Le merveilleux parfois gracieux, mais toujours un peu puéril de la mythologie a fait place à la connaissance des lois de la nature, et les rêves de l’imagination aux calculs de la science. Par ses découvertes et ses conquêtes, l’homme prend possession du globe et sonde l’infini. Tout montre qu’une force nouvelle a paru sur la terre ; mais quelle est la cause d’un si prodigieux changement ? Évidemment une vigueur plus grande de l’esprit humain, d’où sortent en définitive toutes ces réformes qui nous frappent. Or où l’esprit humain a-t-il, puisé cette force nouvelle ? En Dieu seul, car Dieu