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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/903

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fournit les ressources à l’aide desquelles le gouvernement lui procure les bras nécessaires en veillant à ce que la proportion des âges, des sexes et des professions soit convenablement observée dans les envois d’immigrans, condition fort essentielle pour le développement moral comme pour la prospérité matérielle de la colonie.

Dans les contrées accessibles au travail des Européens, est-il avantageux de provoquer en même temps l’importation des travailleurs africains et asiatiques ? L’expérience ne semble point favorable à cette opinion. En Californie et en Australie, la découverte des mines d’or avait attiré un grand nombre de Chinois, et il n’en est résulté, dans les deux pays, que confusion et désordre. On peut remarquer encore que dans les zones tempérées du Nouveau-Monde, la colonisation européenne voit disparaître peu à peu devant elle les anciennes populations indigènes. Ce fait est général : il se produit aux États-Unis, dans la Plata, au Chili, etc. ; c’est ce que l’on appelle le refoulement des Indiens. Quoi que l’on ait dit et écrit en faveur de la fusion des races sur toute la surface de la terre, il n’y a là qu’un rêve philosophique qui, nulle part encore, ne s’est réalisé. Partout où l’Européen s’établit et peut se suffire à lui-même, il éloigne les autres races et demeure seul maître du terrain. Il ne convient donc point de provoquer dans les colonies que nous examinons l’immigration d’une race étrangère ; ce serait aller contre la nature des choses en essayant de réunir des élémens contraires et antipathiques. Il ne faut ni encourager ni entraver le mouvement de cette immigration, qui se maintiendra d’elle-même dans les proportions convenables pour éviter les conflits.

La situation est toute différente dans les colonies tropicales. Ici, l’Européen ne peut se livrer aux rudes travaux de la culture. Il est donc obligé, soit d’employer la population indigène quand celle-ci existe en nombre suffisant, soit d’introduire dans la colonie des immigrans qu’il va chercher dans les pays situés sous les mêmes latitudes. L’emploi intelligent et heureux de la population indigène est assurément le mode le plus économique et le plus fécond pour développer la production coloniale. Sous ce rapport, les colonies asiatiques possèdent d’immenses ressources. Dans l’Inde anglaise, à Java, à Luçon, la population est plus que suffisante pour mettre en valeur toute la portion de sol à laquelle peut se consacrer, quant à présent, le capital européen. Aussi les métropoles n’ont point à y introduire de nouveaux instrumens de travail ; mais elles doivent s’appliquer à tirer le meilleur parti des élémens qui existent. Or il ne paraît point que ce problème ait été résolu. Dans l’Inde anglaise, le laboureur est accablé de charges et d’impôts : la majeure partie