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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/1006

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre 1863.

La mort de M. Billault, avec ce qu’elle a eu de subit, de prématuré, d’imprévu, n’est pas seulement un de ces accidens qui surprennent et attristent l’opinion ; le rôle public attaché à l’homme donne à cette mort le caractère d’un événement politique dont la portée doit être prise en considération.

Les vicissitudes de notre temps ont jeté à plusieurs reprises un trouble profond dans les relations de la vie politique ; les vieilles liaisons ont été plus d’une fois rompues : ceux qui avaient marché ensemble se sont souvent séparés et ont fini par se trouver fort éloignés les uns des autres. On a beau avoir choisi des voies différentes de celles que M. Billault a préférées, on ne saurait pourtant demeurer insensible à la perte soudaine d’un homme de ce mérite. Nous ne pouvons oublier les débuts et les succès laborieux de ce modeste avocat de province dont l’ambition parlementaire éveilla et excita le talent, et qui parut destiné à faire honneur au régime représentatif dans notre pays. M. Billault n’était point un orateur politique du premier ordre, ce n’était point un esprit fertile en idées et en conceptions, ce n’était point une âme prompte aux explosions passionnées ; à entendre ses discours, il était visible que sa nourriture en fait d’histoire, de droit public, d’économie politique, de finances, de toutes ces connaissances que digèrent et s’approprient les hommes d’état bien trempés, n’était point très forte : son style oratoire ne donnait pas non plus idée d’une éducation littéraire perfectionnée. M. Billault cependant, au-dessous du premier rang, était encore un orateur remarquable. Il appartenait à la famille de ceux que les Anglais appellent des debaters. Ce sont des hommes très précieux, fort utiles à l’élaboration des questions et à l’expédition des discussions dans les assemblées représentatives, que ces habiles dissertateurs qui savent exposer avec clarté une affaire, la disséquer à la pointe de l’argument, l’analyser, la déduire, la présenter avec ordre et la couler pour