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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/101

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litaires le long des voies romaines. En Grèce, les distances étaient marquées par des hermès depuis le temps d’Hipparque, fils de Pisistrate, et Polybe nous apprend que de son temps des pierres milliaires existaient dans la partie de la route d’Espagne qui traversait la Gaule. Toujours est-il que C. Gracchus en fit planter sur les routes, qu’il fit commodes et belles : magnifique moyen de popularité dans toute l’Italie. On peut attribuer aussi à Caïus Gracchus l’admirable substruction de la voie Appienne qui se voit près de Lariccia, et qui doit être du VIe ou du VIIe siècle de Rome. Pour éviter une montée pénible, les Romains ont construit là un viaduc de sept cents pieds, qui est formé de masses quadrilatérales de péperin ayant jusqu’à sept pieds de longueur et une hauteur de deux pieds. Le mur atteint une hauteur de quarante pieds. Trois arcades y ont été percées pour permettre l’écoulement des eaux. Telles étaient les vues politiques de Caïus Gracchus, tels étaient les constructions et les travaux d’art qui s’y rattachaient.

Que fit le sénat pour entraver ses desseins en lui enlevant toute sa popularité? Il s’avisa d’un singulier artifice : il mit en avant un tribun, Livius Drusus, qui à chaque proposition libérale de Gracchus en opposait une plus libérale encore, et toujours au nom du sénat[1]. Espérait-il amener par là un retour en sa faveur, ce que nous nommons une réaction, et pouvoir plus tard abolir ces lois excessives? ou cédait-il seulement à sa haine pour celui qu’il détestait comme l’auteur après son frère de mesures qui lui étaient antipathiques, se résignant à beaucoup perdre s’il le perdait?

Quoi qu’il en soit, la manœuvre réussissait, et, en l’absence de Gracchus, qui était occupé à repeupler Carthage, ses amis de Rome perdaient du terrain. A son retour, il quitta la maison qu’il avait habitée jusqu’alors sur le Palatin, où étaient les demeures des personnages considérables, par où l’on peut voir ce qu’étaient des plébéiens comme les Gracques, alliés d’ailleurs à l’une des plus grandes familles de Rome, les Cornelii, et il alla se loger au-dessous du Forum, dans un lieu où il y avait beaucoup de gens de pauvre et de basse condition. Ce ne pouvait être que dans le quartier de la Subura, habité en effet par des gens de cette sorte.

A Rome, le lieu de la demeure des personnages historiques n’est presque jamais indifférent, et c’est pourquoi il est toujours bon de le déterminer. En descendant du Palatin et en allant loger dans la Subura, Caïus Gracchus faisait ce que fit depuis, quand il alla aussi loger dans la Subura, Jules-César, personnage d’une extraction plus

  1. Une politique semblable avait été proposée au sénat pour combattre la loi agraire d’Icilius; mais le sénat d’alors l’avait rejetée avec mépris.