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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/119

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phragme. Lorsque nous éclatons de rire, le diaphragme est d’abord refoulé sous le poids d’une aspiration prolongée et quelquefois douloureuse ; puis il se détend et sautille en provoquant toute une série d’expirations rapides et saccadées. L’air, chassé hors de la poitrine par ces sautillemens, sort du larynx avec un tremblement qui fait chevroter la voix ; la bouche s’ouvre, les coins des lèvres se relèvent, tous les muscles de la face se dilatent, et le visage s’épanouit.

Or ce qui démontre que ce n’est pas là le rire tout entier et qu’une explication exclusivement physiologique et matérialiste du rire est inadmissible, c’est qu’en l’absence du rire intérieur il y a des moyens variés de produire soit totalement, soit partiellement le phénomène corporel que nous venons de décrire. Que nous y consentions ou non, nous rions lorsqu’on nous chatouille à la région des côtes, sous la paume de la main, sous la plante des pieds. Pour jeter les personnes nerveuses dans un accès de rire convulsif, le chatouillement n’est pas nécessaire : la menace suffit. Les chimistes disent que le protoxyde d’azote, ou gaz hilarant, aspiré par l’homme, excite des sensations délicieuses qui se traduisent en éclats de rire singuliers. On rencontre en Sardaigne une terrible plante, la sardonie, appelée dans la science ranunculus sceleratus, dont les feuilles ressemblent au persil sauvage et contiennent un poison actif qui tue de si étrange sorte que la victime, en mourant, semble éclater de rire. C’est là le véritable rire sardonique qui a transmis son nom à toute espèce de rire amer ou douloureux. Tous ces moyens étant ou trop excitans ou trop dangereux, on peut, pour isoler le rire physique, recourir aux procédés très curieux du docteur Duchenne (de Boulogne). Après de longues recherches, ce savant expérimentateur est parvenu à mettre en mouvement, au moyen de réophores électriques, les muscles les plus délicats du visage humain, et à leur faire exprimer artificiellement les passions diverses de l’âme à leurs différens degrés, sans la participation du principe spirituel. Ce qui donne à ses expériences une portée saisissante, c’est qu’il obtient le rire ou telle autre expression non-seulement du sujet vivant, mais même d’un corps mort, pourvu que celui-ci ait conservé quelque irritabilité. Au contact de l’instrument, à l’ordre du savant physiologiste, l’homme rit, le cadavre rit. Des photographies où le phénomène a été fixé attestent le succès de ces expérimentations, qui intéressent vraiment la psychologie, comme le dit M. Duchenne, puisque, quant à la question qui nous occupe en ce moment et à ne parler que de celle-là, elles sont décisives[1].

La réunion des exemples précédens compose, par rapport à la re-

  1. Voyez l’ouvrage du docteur Duchenne (de Boulogne) intitulé Mécanisme de la Physionomie humaine, ou Analyse électro-physiologique de l’expression des passions.