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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/125

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point : cet autre, c’est Jouffroy, dont il convenait à un psychologue français de ne pas oublier ici le nom. La seconde leçon du Cours de droit naturel présente, avec cette lucidité que Jouffroy répandait sur toutes les questions, l’explication du plaisir par l’exercice facile, naturel et libre de nos facultés, et celle de la peine par l’effort qu’exigent nos tendances pour arriver à se satisfaire lorsqu’un obstacle les arrête. Sous une autre forme, c’est toujours la doctrine de la Morale à Nicomaque : le bonheur consiste à être, à vivre, et le plaisir de vivre est d’autant plus doux que nos énergies naturelles jouent avec une liberté plus entière et une plus grande facilité. Là était le secret du plaisir que nous cause le rire, et M. Léon Dumont a eu raison d’étudier le phénomène par ce côté, qui est le bon.

Ce qu’il pense de très bonne foi y avoir découvert est ingénieux, spécieux, habilement exposé. De plus sa solution étant la première qui ait été méthodiquement proposée dans notre pays, beaucoup d’esprits inclineront naturellement à l’admettre ; mais la critique doit-elle ou non la laisser passer ? Que l’on en juge. « La connaissance d’un objet (risible), dit-il, donne d’abord à notre entendement une certaine impulsion, et stimule son activité dans une certaine direction ; mais immédiatement une impulsion contraire lui vient d’une autre qualité de ce même objet, et imprime à cette activité, avec une assez forte secousse, la direction contraire : telle est la série de phénomènes que cause en nous la présence d’un objet risible, et l’ensemble des modifications de la sensibilité qui accompagnent ce procédé constitue le sentiment du rire. Une sorte de choc, l’excitation de l’entendement à un double exercice de son énergie relativement à un seul objet, et une certaine variété dans cette activité, tels sont les élémens de ce sentiment… L’objet risible imprime à cette énergie une intensité extraordinaire et exceptionnelle… Il ne s’agit plus d’un minimum, mais d’un maximum d’intensité. Ce redoublement d’énergie est accompagné d’un double sentiment agréable et par conséquent d’une somme double de plaisir. » Voilà qui n’est ni commun, ni superficiel, ni dépourvu d’une certaine clarté. Pourtant le faux s’y mêle au vrai de façon à surprendre l’attention la plus exercée. Tout le système repose sur un premier fait que nous avons démontré être absolument chimérique. Ce fait, c’est l’adhésion, aussi rapide qu’on voudra, de notre raison à la sottise, à la niaiserie, à la distraction qui provoque notre rire. Encore un coup, la bêtise d’un niais qui fait l’homme d’esprit nous saute aux yeux tout de suite, et tout de suite nous l’affirmons ; et si, comme on le prétend, nous avons commencé par être dupes, revenus de notre erreur, nous ne rions pas : loin de là, il nous déplaît fort d’avoir été pris au piège. Dans ce dernier cas, nous nions certainement notre affirmation première; mais aussi nous nous sentons